jeudi 10 décembre 2009

Jour 1 - La conclusion

Mon blogue porte le nom « vivre avec la douleur » alors la conclusion doit arriver le jour où la douleur disparaît et, bien sur, porter sur ce que j’ai appris au sujet de la douleur et bien voici :

D’abord précisons que c’est le 3 décembre dernier que la douleur, sujet de ce blogue, a pris fin. Par contre, les séquelles laissées par l’opération du 27 novembre dernier, eux, sont source d’une nouvelle douleur. Mais on y reviendra plus loin.

Ma conclusion est donc ceci. Lorsque les infirmières de l’urgence ou du bloc opératoire, qui veulent nous injecter une bonne petite dose de morphine, nous demandent : « Vous évaluer votre douleur à combien sur une échelle de 1 à 10 » elle ne posent pas la bonne question. Ce n’est pas la bonne question parce que la douleur est relative à chacun en fonction de deux paramètres. Le premier est le niveau de tolérance à la douleur. Quelqu’un vous marche sur le pied vous vous tordez de douleur alors qu’un autre le ressent à peine. Je peux avoir une douleur de niveau 8 et être capable de l’endurer alors que le voisin à une douleur de niveau 4 mais a besoin d’une dose. Le second paramètre, et sans doute le plus important, est notre schème de référence personnel. Ce qui signifie le niveau de douleur que nous avons déjà vécu individuellement. Le bébé qui se coince un doit dans un jouet hurle de douleur car il vient de subir la pire douleur de sa vie. Son schème de référence était inexistant, il vient de ce constituer. Chez l’adulte, lorsqu’il se coince un doit quelque part, il pousse simplement un juron car son schème de douleur est plus complexe, il sait bien que ce n’est qu’un niveau 1.

Quand j’ai subit la première cystoscopie à froid à sacré cœur j’ai écrit que je venais de vivre la plus grande douleur de ma vie. J’aurais répondu à l’infirmière un 10. Pourtant, aujourd’hui, après avoir vécu la journée du 13 novembre 2009, si on me pose la même question, la réponse est au plus un 6. Pourquoi cette différence ? Parce que mon schème référence ne me permettait pas, à l’époque, de concevoir une douleur plus intense que celle de la cystoscopie. Aujourd’hui, je sais qu’il en existe de bien pire. Si je me présente à l’urgence avec la même douleur que j’avais lorsque j’y suis entré à l’automne, je dirais à l’infirmière que ma douleur est à 5 et qu’il faut me piquer au plus sacrant !!

Voilà ma conclusion sur l’évolution de la perception de la douleur par les individus en fonction de leur schème de référence. Cette simple conclusion explique pourquoi on dit de certain qu’ils se sont endurci. Ce n’est qu’une simple mise en perspective. Ce faire enfoncer une caméra HD dans le pénis, ça fait mal mais ce n’est rien à comparer d’un double J qui vous transperce le rein alors que vous tenter d’uriner mais que votre urètre est trop endommagé par le passage de multiple instrument, prétendument, chirurgicaux.

Revenons maintenant au jeudi 3 décembre 2009, le jour 289. Ce matin là, je me présente à l’hôpital St-Luc pour mon rendez-vous post opératoire de 8h00. Alors que les dernières semaines nous ont offerte des températures anormalement chaudes et ensoleillées pour ce temps de l’année aujourd’hui la pluie qui tambourine dans les vitres nous rappel la tristesse de ce jour. Arrivé au 12ième étage, la salle est quasi déserte, seules quatre personnes attendent. Je prend un numéro et aussitôt c’est ce dernier qu’on appel. Je me présente au comptoir, donne ma carte et pose mon postérieur sur une chaise inconfortable. Je sais ce qui m’attend, c’est ce qui explique la haute chaleur de mon corps, le tremblement de mes mains et cette anxiété qui accélère mon rythme cardiaque.

Une heure trente plus tard, une infirmière appelle mon nom. Je la suis d’un pas volontairement lent. Elle me demande d’enlever tout le bas, d’uriner dans un contenant et de revêtir une magnifique jaquette bleue. Le double J qui m’accable depuis l’opération de vendredi dernier m’oblige à uriner au 30 minutes : il ne reste donc pas beaucoup de jus pour leur ridicule contenant. Assis sur une chaise, entre une dame octogénaire et un homme septuagénaire, vêtu de ma jaquette, je ne peux m’empêcher de revivre mon opération du 27 novembre dernier…

« Vendredi 27 novembre, 7h35 : on a toujours pas appelé mon nom. Quand c’est finalement mon tour, je suis le dernier, je m’inquiète. Pour moi, c’est la routine : enlève tout, met la jaquette et couche toi sur cette civière, la numéro 13-6 et attend.

Les hauts parleurs hurlent « 13-2 SO » « 13-2 SO ». Puis « 13-9 SO » « 13-9 SO ». Chacun est appelé en salle d’opération à son tour alors que je me morfond tantôt coucher tantôt debout auprès de mon lit. À 14h00, je vais voir le poste de garde et leur demande si véritablement la salle d’opération fermait à 15h00. Si c’est le cas, je suis cuit ! La préposé m’assure que mon nom est toujours sur la liste que je n’ai pas été cancellé, pour l’instant.

« 13-12 SO » « 13-12 SO », je ne pensait pas qu’il restait quelqu’un d’autre que moi qui n’avait pas passé car parmi les 16 patients qui sont dans la salle, déjà plusieurs ont quitté pour la maison. Enfin, à 14h30 : « 13-6 SO » « 13-6 SO » c’est mon tour. Je m’installe sur mon lit en attendant le brancardier qui me mènera en salle d’op.

Après avoir attendu un bon 30 minutes dans la salle d’attente du bloc opératoire, on me dirige dans la salle. Le préposé monte mon lit à la hauteur de la table d’opération et me demande de me glisser sur celle-ci. Une infirmière détache ma jaquette en arrière et me demande de me coucher. Une autre infirmière m’installe un soluté dans le bras gauche [tient, habituellement c’est dans la main, me dis-je]. Ensuite, la première infirmière me demande de m’asseoir et de me pencher vers l’avant. L’anesthésiste, une dame plus âgée, tâte mon dos à la recherche de sa cible. Incapable de la trouver elle me dit « pousser sur mon doigt avec votre dos ». Je me demande si j’ai bien entendu ou si je suis déjà sous l’effet de la drogue. Elle me pique mais rate son coup, la douleur est foudroyante [au moins un 2]. Elle s’essaye de nouveau et cette fois ça fonctionne. Je me recouche. Deux autres infirmières, à mes pieds celles-la, relève ma jaquette et pose mes genoux sur des cousins pour les surélevés. Une commence à étendre l’iode sur mes cuisses et tout ce qui se trouve entre. Le médecin n’est toujours pas là. L’infirmière qui m’a installé le soluté, s’affère à installer le drap qui cache ma vue vers mon bas du corps que je ne sens plus du tout.

Vers la fin de l’opération, je me réveille et dit à l’infirmière à mes côtés « vous ne m’installé pas de double J, n’est-ce pas? ». Elle va transmettre mes doléances au médecin qui vient me voir pour m’expliquer pourquoi c’est essentiel. Je ne me souvient de rien mais je du lui dire que c’était bon, puisqu’il me l’a installé.

Quelques minutes plus tard on me dirige vers la salle de réveil où contrairement à ma personnalité normale, je me mets à discuter sans arrêt avec les deux préposées, considérablement corpulentes, qui veillent à ce que chacun se réveil adéquatement. Au bout d’une heure on me retourne dans ma chambre semi-privé [semi parce que nous sommes 16 dans cette chambre]. Il est 16h30, je ne sans pas le bas de mon corps sauf les orteils.

Vers 19 heures, il ne reste que quatre ou cinq autres patients. Le processus de « décongelage » a bien fonctionné et Julie, la jeune infirmière blonde de la dernière fois, s’appète à m’enlever ma sonde. Cette fois, le sang ne se met pas à s’écouler à flot. Seuls quelques gouttelettes cherchent à voir ce qui se passe autour de mon organe toujours insensible.

À 20 heures, ce département ferme. Il ne reste plus personne sauf un patient qui ne parvient pas à uriner, l’infirmière Julie et moi qui essaye de marcher pour avoir envi de pisser et pouvoir quitter.

À 20h30, Julie m’annonce qu’elle va vérifier la quantité d’urine dans ma vessie avec une sonde, un peu comme une échographie. Elle ferme le rideau mais il n’y pas personne. Elle relève ma jaquette exposant un être meurtrie semblable à un enfant du Biafra torturé par la maladie et la famine. Elle applique un gel sur mon ventre et grâce à sa sonde elle identifie tout au plus 250ml, rien d’inquiétant. Elle essuie mon ventre, replace ma jaquette et ouvre le rideau.

Tout près de 21h00, je fini par me rendre au toilette. Je tiens ma jaquette d’une main et je m’appui sur le mur de l’autre. Je sais exactement ce qui s’en vient. Le 12 novembre dernier alors que j’étais dans la même position mes genoux ont lâché sous l’impact de la douleur. J’anticipe le pire. Puis j’urine. La douleur est importante mais semble moindre que ce que j’anticipais. La part de sang dans le mélange et moindre aussi, ça ressemble un peu moins à du vin que la dernière fois. Cette fois, le double J semble ce déplacer en sens inverse. Il ne remonte pas dans le rein mais descend dans la vessie. La douleur est dans le bas du ventre du côté droit.

L’infirmière m’offre une injection de morphine pour calmer la douleur mais cela signifie d’attendre ici un autre 45 minutes car elle doit surveiller ma réaction avant de me laisser partir. Ça fait 14 heures que je suis là, j’en ai plein mon casque alors je refuse la dose et endure le mal. Je prendrai une Dilaudid en arrivant à la maison, me dis-je. L’infirmière me donne mon congé avec un rendez-vous pour jeudi le 3 décembre pour faire enlever le double J.

En arrivant près de la maison, vers les 22h30, je dois ouvrir la fenêtre de l’auto car j’ai l’impression d’être sur le point de dégobiller mon âme. Une fois à l’intérieur je me précipite dans la toilette à l’étage, je prend une Dilaudid et une autre pilule prescrite pour dilater les voix urinaires. Et je me mets à dégobiller comme un ivrogne sou mort mais puisque je suis à jeun depuis 24 heures, il n’y a que de la douleur qui sort de ma bouche. En 20 ans, ce n’est que la seconde fois que je dégobille, l’autre était le 14 septembre 2008 après mon marathon de Montréal que j’avais interrompu au 32 km à cause d’une gastro. »

L’infirmière appel mon nom et m’invite à passer dans la salle de traitement. Ce qui me ramène au 3 décembre et à l’extraction du double J. J’entre dans la salle, devant un moi une chaise particulière avec des étriers pour les pieds. La chaise est recouverte d’un drap bleu pâle et aux pieds il y a un récipient prêt à recevoir ce qui tombera lors de l’opération. Une infirmière aux longs cheveux bruns et aux yeux noisettes me demande de m’installer sur la chaise. Je lui réponds que je ne suis pas ici pour une cystoscopie mais pour l’extraction d’un double J. Elle semble perplexe et ajoute « avez-vous fait une radio ». « Non, j’ai été opéré vendredi dernier et j’ai rendez-vous pour faire enlever le double J ». Elle me demande t’attendre et va voir le médecin. Celui-ci se présente quelques minutes plus tard pour me demander les mêmes questions. Puis, en regardant mon dossier il ajoute « as c’est pour un UPJ, c’est bon, installez-vous ». Je n’ai rien compris autre qu’il allait procéder à l’extraction de ce foutu double J.

L’infirmière me demande de m’asseoir le plus proche du bord possible de la chaise en dégageant la jaquette. Puis de m’étendre et de placer mes jambes dans les étriers. Ainsi écarté devant les deux infirmières alors que l’une d’elle m’asperge d’un liquide [similaire à du Purel] « je vais vous désinfecter ce sera un peu froid », je leur annonce que la dernière fois que j’ai eu une cystoscopie, j’ai eu tellement mal que j’ai faillit m’évanouir. La brunette s’empare d’une seringue sans aiguille et me dit qu’il va aussitôt insérer la gelé anesthésiante afin de faciliter le passage des instrument. Elle attrape mon fidèle compagnon par le cou et commence à lui insérer cette gelé. Une sensation mixte de douleur et d’inconfort absolument indescriptible s’empare de moi alors que tout mon corps se crispe. L’autre infirmière couvre mes jambes d’un tissus antibactérien puis en dépose un autre sur moi avec un petit trou au centre par lequel elle fait sortie la tête de mon compagnon groggy par les effet de la gelé.

Je reste ainsi seul, la tête reluisante et exposée, une bonne dizaine de minute avant que le médecin entre en scène avec ses deux acolytes. Le médecin me dit « comme ça vous avez eu un choc la dernière fois, c’était où ». « À sacré cœur ». « Ah je comprend. Ici on a des meilleurs instruments car ils sont flexibles. Ça va bien aller, vous aller voir ». Il attrape dans c’est main un drôle d’instrument tout noir avec, à une extrémité, une manette semblable à une commande à distance pour la télévision et, à l’autre bout, un tube de caoutchouc dont le diamètre diminue plus on s’éloigne de la manette. Je tremble déjà de peur. Mon cœur se débat comme un poison hors de l’eau, ma respiration est saccadée et rapide. Le médecin demande à l’autre infirmière, plus grassette et visiblement en formation, de tenir la manette car cela lui permet d’avoir les deux mains libres. Il insère le bout en caoutchouc par le même orifice que l’infirmière avait inséré la gelé et débute la manœuvre. En voyant cette instrument s’insérer en moi, j’ai placé a main sur mes yeux et me suis crispé encore plus. Le médecin me dit de regarder l’écran de regarder ce qui se passe. J’ose regarder et je vois cet instrument muni d’une caméra et d’une lumière s’insérer à l’intérieur de mon copain. La douleur n’est pas trop intense. « On approche de la vessie, vous aller avoir une sensation inconfortable et comme une envi d’uriner » dit-il alors qu’une violent douleur s’empare du bas de mon corps, j’ai envi de crier. Puis il ajoute : « voilà on y est, c’est votre double J qu’on voit juste ici ». Heureusement qu’il le dit car moi je ne vois qu’un genre de parois dodu d’une couleur rosé. Le médecin demande alors à celle qui tien la manette d’ouvrir les pince. Et je vois, l’extrémité de l’instrument s’ouvrir. Il essaye d’attraper quelque chose mais semble avoir un peu de difficulté. Pendant ce temps, la douleur semble s’intensifier. Je me crispe et me remet à respirer rapidement de façon saccadé quand le médecin me dit : « Calmez vous, respiré lentement sinon vous aller vous évanouir. Qu’est qu’il y, pourquoi vous énervez-vous ? Le double J est ici ». Il le tenait dans sa main gauche alors que dans sa main droite pendait son instrument de torture, totalement extrait de mon corps. « C’est fini, détendez-vous ». En voyant cette tige qui m’a imposé tant de supplices pendre comme un serpent mort dans sa main, tout mon corps s’est détendu et ma respiration a reprise son rythme régulier. Inquiète, l’infirmière à la gelé me demande de me relever doucement et me tient par le bras pour ne pas que je m’effondre. Mais je suis bien solide sur mes pieds et anxieux de quitter ce lieu infernal.

Habillé et près à partir, le médecin me donne un rendez-vous de suivi en juin, pour l’instant c’est la fin de cette mésaventure de 289 jours où j’ai appris ce que le mot douleur signifie et où j’ai eu l’opportunité de développer à fond mon schème de référence au niveau du seuil de douleur supportable.

Aujourd’hui le 10 décembre, une semaine plus tard, soit en théorie le jour 7 de la fin de ma douleur, je souffre encore d’un malaise dans la colonne ; résultat de l’erreur de l’anesthésiste du 27 novembre. Alors encore aujourd’hui, je rêve du matin où je me réveillerai « pain free », libre de toute douleur…. Et je ne sais pas si ce jour viendra.

dimanche 15 novembre 2009

Vendredi 13 !!

Vendredi 13 novembre, jour 269, assis en plein centre du Pandémonium [pour ceux qui ne le savent pas, c’est la capital de l’enfer], je sens les feux de l’enfer pénétrer mes entrailles et me détruire. Tout est sombre, seul les yeux de Lucifer brillent dans la pénombre. Les atrocités que je subit depuis les petites heures de matin son dignes des meilleurs exploits du maître de la torture. Alors que le jour 268 devait être celui de ma libération, comment ai-je pu me retrouver dans ces bas fonds un vendredi 13 ? Eh bien voilà :

Depuis mon opération, mon pénis saigne, goutte à goutte, sans arrêt. La douleur, comme si on l’avait plié dans un sens qu’il ne devait pas, est si intense que je ne ressens aucunement les écoulements. L’uretèroscopie consiste à insérer une fibre optique au laser dans l’uretère par les voix naturelles afin d’y faire éclater la pierre mais, ô quelle surprise, l’opération fût un échec.

6h45 jeudi le 12 novembre, j’arrive à l’hôpital pour mon opération. Un sentiment de bonheur de voir enfin s’achever cette douleur infernale se dispute la pole avec un sentiment de frayeur à l’idée de tous ces instruments qui devront être insérés dans mon fidèle compagnon sans défense. Je suis anxieux et ma tension doit atteindre des sommets effrayants. 7h15, je suis déjà nu comme un vers sous ma somptueuse jaquette bleue et on m’attribue le lit 1316 dans une salle qui contient plus d’une dizaine de lits alignés, séparés par des rideaux pour un peu d’intimité.

Couché sur mon lit, je lis mon livre d’Émile Zola, La bête humaine. Quel livre pénible à lire. L’auteur a besoin d’au moins dix pages pour nous expliquer qu’il ne se passe rien. Entre deux paragraphes, je visualise la scène qui m’attend : les jambes écartées, quatre ou cinq outils enfoncés dans mon pénis et un médecin qui s’amuse à faire éclater la pierre comme s’il était aux commandes d’un jeu de « playsation 3 », sept ou huit spectateurs, les yeux rivés sur mon sexe attendant le moment où celui-ci éclatera sous la pression. L’infirmière m’annonce que je suis chanceux car je suis le deuxième sur la liste. Est-ce vraiment de la chance ?

9h20, j’entends le haut parleur hurler « 1316 SO » que j’interprète comme le 1316 en salle d’opération. 15 minutes plus tard on vient me chercher pour me conduite à la salle des tortures au 7ième. Bien sûr, on y retrouve également une salle d’attente où on m’installe pour une autre vingtaine de minutes. Puis l’anesthésiste vient me voir pour me dire qu’après vérification de mon dossier, elle ne procèderait pas à une anesthésie générale mais plutôt à une anesthésie locale de sorte de geler uniquement le bas du corps. Ensuite, un préposé me conduit dans les dédales des salles d’op, évitent au passage tout ce qui traîne dans le corridor. Enfin, il m’abandonne devant un écriteau qui dit « réservé aux civières ». Quelques minutes plus tard, le médecin vient me voir, grand sourire, il me dit de ne pas m’en faire, il est le spécialiste des « garnottes ». Il m’explique en détail la procédure et les risques minimes : perforation de l’uretère qui devrait guérir tout seul ou nécessité une seconde intervention pour réparer les dommages. « Des questions ? » « non ».

J’entre dans la salle et bien que j’aie travaillé pendant sept étés à l’hôpital Sainte-Justine et que j’ai été à maintes reprises dans les salles d’opération, voir la salle du haut de ma civière était assez impressionnant. Les grosses lampes au plafond, la taille surdimensionnée de la table d’opération, le nombre de personne dans la salle, tous occupés à quelque chose et cette odeur particulière me donne des frissons : je veux rentrer à la maison et jouer aux autos avec mon bébé !

Tout le monde cherche l’anesthésiste : « Mais où est-elle, on perd du temps ici ». Un jeune homme s’approche en m’annonçant qu’il est un assistant et qu’il va introduire le soluté. C’est reparti, il me tapote le bras droit, puis la main, à la recherche d’une veine qu’il pourrait pourfendre. C’est l’infirmière qui lui dit que je dois contracter ma main « ferme le poing, relâche, ferme le poing, relâche ». Enfin, la cible est en vu et la perforation se fait aussitôt. L’adorable goût d’un repas liquide qui ne goûte rien se repent dans ma gorge comme un venin. On m’enlève les manches de ma jaquette et on me demande de m’asseoir car l’injection pour l’anesthésie se fera dans le bas de mon dos. Trois piqûres peu douloureuses et voilà le bas de mon corps est gelé. Elle ajoute un petit cocktail dans mon soluté et bonsoir, je suis parti. Comme à la première lithotripsie, je me réveil à la toute fin de l’intervention. J’entends le médecin qui dit « on va essayer avec la numéro huit ». Un drap a été installé au dessus de mon ventre de façon à ce que je ne puisse pas voir ce qui ce passe de l’autre côté. Peut importe, je l’avais déjà visualisé plutôt ce matin. Je ne sens rien du tout. « Ça ne passe pas ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Que ce passe-t-il ? Ce n’est certes pas des bonnes nouvelles.

Le médecin remballe tout, on enlève le drap et on me conduit à la salle de réveil. Comme je ne sens rien, je glisse ma main sous la couverture pour toucher mon pénis, probablement qu’inconsciemment je voulais vérifier s’il était toujours là. En le touchant, je ne sens rien mais au bout il y a quelque chose que me surprend, je lève la couverture pour découvrir ce qui ce cache dessous : mon pénis est enflé et il y a une sonde dedans. Je suis le fils jusqu’à la poche attaché au pied du lit, pleine de sang. Le médecin vient me voir pour m’annoncer que l’opération est un échec. L’uretère est trop petit pour pouvoir y insérer l’instrument qui allait faire éclater la pierre. Donc, à la place, il m’a inséré un « double J » dedans. Il espère que cela permettra de l’élargir et dans deux semaines on reprendra l’opération. Je suis abattu, j’ai juste envi de pleurer mais je n’en ai pas la force. Il m’avise enfin que le double j ouvre le conduit entre la vessie et le rein ce qui fait que lorsque j’irais uriner je devrais ressentir une douleur parce que l’urine va remonter dans le rein.

Tranquillement, je parviens à nouveau à bouger les pieds, mais pas encore les jambes ni les orteils. C’est bon signe et j’ai mon congé de la salle de réveil. De retour dans le dortoir du début, lit 1316. Il ne reste plus qu’à attendre. Vers 13h00, une trop jeune infirmière, blonde aux yeux clairs, vient me voir pour s’enquérir de mon état. Je suis maintenant capable de plier légèrement les genoux mais je n’ai aucune sensation entre le nombril et les ceux-ci. Elle constate une importante tâche de sang sur ma couverture et, en enfilant des gants de latex, elle m’annonce qu’elle va jeter un coup d’œil. Elle ferme le rideau pour un peu d’intimité et relève la couverte découvrant un petit être meurtrie baignant dans son sang. On croirait un homme abattu par balle depuis si longtemps qu’il s’ait vidé de son sang. Elle doit procéder à un bref nettoyage pour constater l’état des dommages. La sonde est toujours bien en place et le sac continue de se remplir donc, il ne doit pas y avoir de complication semble-t-elle croire car elle replace la couverture par-dessus la scène d’horreur et retire ses gants « tout semble correct ».

Peu de temps après, soit vers 13h30, une infirmière auxiliaire, encore plus jeune que l’infirmière [pas 30 ans cette fois] vient me demander si j’ai de la douleur, je lui répond que non, que mes fesses et mes couilles sont toujours gelées alors je ne ressent rien. Intriguée, elle aussi, par la présence abondante de sang, elle souhaite jeter un coup d’œil [à moins que sa collègue lui ait dit : « il faut que tu ailles voir ça »]. Encore les gants de latex, le rideau et la couverture et voilà une autre scène de crime. Tout est de nouveau cacher par le sang, elle doit, elle aussi, procéder à un bref nettoyage pour constater l’ampleur de la situation. En le manipulant, elle fait bouger la sonde qui me surprend car jusqu’à lors j’étais insensible à ce niveau. « Désolé » dit-elle en replaçant la sonde. Cette fois, je peux bouger les jambes et les orteils donc dans une demi-heure on essayera de me lever. Si j’y parviens, on pourra enlever la sonde. Avant d’obtenir mon congé, je dois avoir été en mesure de marcher un peu et surtout d’uriner dans un chapeau blanc avec une mesure pour calculer la quantité de la mixtion [urine et sang].

À 14h00, je suis totalement dégelé ma sensation est revenu partout. Ça fait du bien de sentir ses fesses, elles qui étaient engourdies depuis presque 4 heures. Une infirmière plus âgé cette fois [décidément, elles se sont données le mot] vient me demander si je peux me lever. Je réponds que je crois bien que oui. Je me lève délicatement car c’est la première fois que je dois composer avec un tube de caoutchouc qui me pend au bout de la queue et je ne veux surtout pas le faire bouger. « C’est bon vous êtes bien solide » dit elle avant de me dire qu’elle revient enlever la sonde. De retour avec ses accessoires qu’elle dépose sur mon lit, elle referme le rideau, relève la couverture et aperçoit ce cadavre blême, vidé de son sang. Elle prend une pose, hésitant sur ce qu’elle devait faire à ce point. Elle fini par prendre son courage à deux mains [à moins que ce soit mon organe?] et retire soigneusement la sonde laissant mon pénis ensanglanté s’affaler sur ses deux bonnes vieilles copines. « Vous devriez essayer de marcher » furent ces seules paroles.

À 14h30, le sang ne se déverse plus dans la sonde et son sac, mais bien dans mon lit. Alors que la douleur dans mon dos et mon ventre devient insupportable. Il faut préciser ici, que la douleur est identique à celle que j’endure depuis tous ces jours, ce qui confirme, sans l’ombre d’un doute, que cette foutu pierre en est la cause. Cette fois, c’est ce « double J » qui cause la douleur, une douleur beaucoup plus intense. L’infirmière auxiliaire m’injecte maladroitement un peu de morphine dans le bras gauche. Sa manœuvre n’a pas bien été exécutée car je ressens une douleur atroce dans le muscle, comme si elle avait piqué au mauvais endroit. Mais le soulagement du liquide magique est tout de même le bienvenu.

Vers 15h30, la douleur est si intense que j’ai besoin d’une autre injection mais quand la même infirmière revient avec sa piqûre, je refuse car j’ai encore une douleur épouvantable dans le bras. Je demande des pilules mais elle refuse.

Une trentaine de minutes plus tard, la douleur est insoutenable et j’ai envi de pisser. Je me lève et me dirige vers la toilette avec mon chapeau blanc que je dépose soigneusement sur la cuvette. Debout devant, je relève ma jaquette de la main gauche alors que je tiens mon poteau à soluté de la droite. Quand je commence à uriner trois événements se produisent simultanément. D’abord, le sang qui s’écoulait toute la journée a séché et a formé un blocage à l’extrémité, comme lorsqu’on place le pouce sur le bout du robinet, faisant gicler le sang [il devait y avoir un peu d’urine mais c’était principalement du sang] partout, sur ma jaquette, mes pieds, les murs, sauf dans le chapeau. Ensuite, la sensation de brûlure était si intense que mon corps c’est contracté de façon involontaire coupant le flot. Enfin, cet arrêt soudain a fait remonter l’urine dans mon rein causant une sensation que tout allait éclater. La douleur était telle que je ne pas pu m’empêcher de hurler alors que mes jambes ont lâché. Mes genoux ont frappé la cuvette faisant tomber le chapeau et ma main gauche ses appuyer sur le mur pour ne pas que je me fende le crâne sur le réservoir. Mais ce n’était pas fini. Le besoin d’uriner était encore fortement présent. À trois ou quatre reprises, le même manège me tordait de douleur. Chaque fois que l’urine remonte dans le rein, c’est comme si on me remontait un couteau dans la chair la douleur est abominable. Ceux qui ont déjà eu des problèmes d’hémorroïde ou qui ont déjà passé une pierre savent ce que le mot douleur veut dire mais ça c’était encore pire. Quand je suis sorti des toilettes, j’ai passé à un cheveu de m’affaisser en pleine figure devant la foule masser devant la porte, alerté par mes cris. De retour à mon lit, la même infirmière est revenu avec son injection que j’ai pris sans hésité, j’aurais pu perdre mon bras que j’en avait rien à foutre. Couché sur mon lit, j’étais incapable de m’empêcher de pleurer comme un gamin qui vient de se faire arracher une main par une moissonneuse-batteuse.

L’infirmière a appelé le médecin qui a prescrit une radio pour voir si le « double J » ne c’était pas déplacé là où il ne devrait pas. La radio est négative, tout est normal. Le médecin m’offre de me garder sous observation pour la nuit. Sinon, je devrai me présenter à l’urgence si j’ai des complications à la maison. J’opte pour rentrer chez moi.

Arrivé à la maison à 19h15, je dois prendre un bain d’eau chaude pour me nettoyer et pour faire fondre les caillots de sang qui obstruent la sortie. Mon sous-vêtement n’ira pas au lavage mais bien à la poubelle car il est imbibé de sang. Avant d’en enfiler un nouveau, je prends soin d’y placer sur serviette ultra absorbante avec ailles. Peu de temps après la douleur s’intensifie, je dois aller uriner. Mais la peur de la douleur m’en empêche. La sensation de brûlure est telle qu’on croirait que mon pénis s’est effectivement fendu de bas en haut et qu’il a été recousu. La plaie ouverte est la source de la brûlure meurtrière. Mais je dois y aller car la douleur dans le rein est encore plus atroce si je me retiens. Même résultat. Je dois m’y prendre à cinq ou six reprises pour uriner complètement, chaque fois le surplus remonte dans le rein m’extirpant un cri inhumain. Je ne peux pas supporter cette douleur encore bien longtemps. Je prends trois dilaudid d’un coup [prescription un au quatre heures] et vais me coucher. Bien sûr, impossible de dormir. Je dois aller uriner à toutes les « une heure et demi » la douleur semble s’intensifier à chaque fois. SVP tuez moi quelqu’un !!

Aux petites heures de matin de ce jour 269, un phénomène attendu mais auquel je n’avais pas pensé se produisit. Une soudaine irrigation de sang fit gonfler la partie meurtrie de mon corps, la violente douleur est insoutenable, tout va éclater. L’urètre est sérieusement endommagé et voilà une autre douleur à ajouter à la liste. Ce vendredi 13 novembre 2009 sera le pire de toute ma vie, jamais je n’ai ressenti une douleur si intense aussi longtemps. Jamais je n’ai autant eu peur d’aller aux toilettes !!

samedi 31 octobre 2009

Jour 252 - Une mauvaise décision….

Chaque jour, nous devons prendre des décisions. Heureusement, elles n’ont pas toutes les mêmes répercutions. L’enfant qui décide de jouer avec le camion plutôt que l’auto, l’ado qui décide de boire un lait au chocolat plutôt qu’un lait ou l’adulte qui décide d’aller voir un film de Megan Fox plutôt qu’un autre de Bruce Willis sont autant d’exemples de décisions banales sans grandes conséquences. Par contre, certaines autres décisions peuvent avoir des conséquences à long terme, par exemple choix d’une orientation à l’université, choix d’une partenaire de vie, refuser un certain emploi, etc.

Mardi le 27 octobre 2009, j’ai pris une des plus mauvaise décision de ma vie. Depuis plusieurs semaines tout mon entourage me disait que c’était la meilleure chose à faire, que cela accélèrerait le processus de guérison, que ce serait la fin de la douleur. Moi, je n’y croyais pas. Je déteste ces endroits, je déteste le traitement, je déteste juste l’idée. Mais en ce matin du 252ième jour de souffrance, j’avais des frisons. Pour la première fois de ma vie, j’avais froid dans mon bureau [il faut préciser, que je garde toujours la température de mon bureau à 18°C, ce qui est froid pour la plus part, mais parfait pour moi]. La douleur était intense et je faisais possiblement de la fièvre, je n’avais plus le choix, il fallait me rendre à l’urgence.

Cette mauvaise décision étant prise, une autre surgissait de ce fait. J’y vais en ambulance, en taxi ou à pieds ? L’ambulance fera meilleur effet au triage mais faire venir l’ambulance au travail serait plutôt embarrassant. Ma décision, à pied : ainsi la douleur sera encore plus intense une fois sur place.

J’arrive à l’urgence de St-Luc à 11h45, il n’y a qu’une seule personne devant moi. Elle est assise sur la chaise numéro 1 et moi sur la chaise numéro 2. Les quelques minutes d’attentes sont pénibles. La marche jusqu’à l’hôpital a portée ses fruits. J’ai chaud, je suis blême, j’ai l’impression d’être à deux doigts de perdre conscience et j’ai mal. Lorsque le numéro un se lève, je reste sur ma chaise à me tordre de douleur. Un petit con vient s’installer devant moi. Je lui dis poliment que la ligne est de l’autre côté. Il me répond dans un langage d’ado semi compréhensible qu’il veut juste faire signer un papier.

Lorsque la dame du triage appel le suivant, je me lève en même temps que Du con et je me précipite dans le local, je glisse et m’affaisse au sol. La dame en panique me regarde me relever et m’assoire alors que Du con est débout et commence son baratin. En deux seconde, la dame comprend qu’il ne parle pas pour moi. « Excusez-moi, vous êtes avec lui ? ». « Non, j’ai juste… » Et à moi t’intervenir. « C’est mon tour mais ce jeune homme essaie de passer devant moi ». Elle lui demande de sortir, s’empresse d’appeler un préposer avec une civière, je ne fait que répéter « pouvez-vous me donner quelque chose pour la douleur », et elle se lève pour aller porter mon dossier. Entre temps un préposé arrive et me demande si je peux me lever pour aller sur la civière. Je m’exécute avec son aide. Et me voilà dans le corridor, couché sur une civière, j’ai contourné le triage.

Un préposé s’approche, en me tendant une jaquette bleue il me demande de tout enlever, sauf mon caleçon, et d’enfiler la jaquette. Il ne précise pas, mais c’est un sous entendu, que je dois également abandonner ma dignité avec mon pantalon et ma chemise. Ça fait à peine 20 minutes que je suis dans l’enceinte de l’urgence, qu’un autre préposé arrive, accompagné d’une jeune dame, probablement en formation, avec une boîte en plastic blanc qui ressemble à un coffre d’outil. Il dépose le tout sur la civière et m’annonce que le médecin [que je n’ai pas vu, bien sur] m’a prescrit des anti-douleurs. Il commence par me tapoter le bras gauche à la recherche d’une veine assez bête pour se montrer. Toutes n’étant pas créées égales, il y en a une qui se pointe le bout du nez et vlam ! Une seringue en plein front. La pauvre s’est fait siphonner en deux temps trois mouvements. Deux contenants de sang plein plus tard, un coton blanc coincé dans un sparadrap bouchait le trou. Le proposé sort ensuite une corde en caoutchouc et me l’attache autour du bras afin de faire sortir les veines, un peu plus futées, de leur cachette. Avec la dextérité d’un manchot, il m’enfonce l’équille qui allait servir à alimenter mon corps d’un savoureux soluté qu’il installe bien haut sur mon poteau. Il relève la manche de ma jaquette et s’empare d’une autre seringue, celle-ci contenant un jus qu’on appel amicalement de la morphine mais qui est en fait du Dilaudid 2mg. Pour celle-ci, il ne sembla pas avoir besoin de veine car il me l’enfonce au hasard dans le bras gauche. Une violente sensation de brûlure s’empare de mon bras, une douleur assez saisissante, quand le préposé m’annonce « attention sa va brûler un peu ».

Malgré le fait que la morphine ne fût qu’à ces balbutiements, une sensation de bien être s’emparait tranquillement de moi quand une autre décision devait être prise. Le préposé, légèrement efféminé, arborant un grand sourire me demande si je voulais qu’il installe le suppositoire ou si je préférais le faire moi-même. En voyant son sourire un peu nunuche, je me suis dit que c’était une blague et j’ai répondu que j’allais simplement m’en passer. Mauvaise réponse; ordre du « médecin invisible ». Comme j’avais déjà abandonné ma dignité quelques minutes plus tôt, rien ne m’empêchait d’abandonner, cette fois, mon rectum, encore vierge, à ce préposé, on ne peut plus heureux d’obéir aux ordres du médecin sans nom. Le bruit du lubrifiant férocement extirpé de son réceptacle est mémorable, il reste gravé dans notre mémoire malgré les effets hallucinogènes de la drogue. « Serrez les fesses pour qu’il entre tout seul, sinon je vais devoir l’enfoncer plus creux » furent les paroles prononcés avant que je serre les fesses comme jamais auparavant. Je crois qu’elles sont restées ainsi contractées plus d’une demi heure après le départ de mon nouveau copain [bien quoi ? après avoir été aussi intime, il mérite sûrement ce qualificatif, non ?].

Pendant des heures, je lutte pour rester éveillé malgré les effets de la morphine. Je suis dans le corridor que tous les patients en civière doivent emprunter pour se rendre dans les salles de traitement de l’urgence. La va et vient est constant. Quand je regarde ma montre, il est 15h00, je suis dans ce corridor depuis plus de trois heures. Cette fois, c’est une préposée qui vient me voir pour s’enquérir de l’état de ma douleur. Je classe ma douleur où sur une échelle de 1 à 10 ? Encore, une décision à prendre. À peine ai-je répondu 8 qu’une autre seringue juteuse se déversa dans mon épaule gauche. Le venin brûlant me prit encore par surprise.

À 16h30, un autre préposé [lui, s’en était un vrai, les autres étaient probablement des infirmières] est venu pour m’annoncer que j’allais passer un CT Scan pour voir l’emplacement exact de la pierre. Il me trimballe dans les dédales des corridors de l’urgence jusqu’à la salle de radiologie. Une jeune hispanique me demande si je suis en mesure de me déplacer de la civière à la machine, ce que j’exécute sans difficulté. « Arrêtez de respirer », « respirez », « arrêtez de respirer », « respirez », et voilà tous les secrets de ton corps sont enregistrés sur une bande vidéo en trois dimensions.

En sortant de la salle de radiologie on me place dans un corridor, devant le numéro 46, un peu plus éloigné de là où j’étais plus tôt. Ici, il n’y a pas de va et vient de patient, seulement celui du personnel. L’infirmière vient me voir à 18h00 pour m’informer que le médecin viendra me voir demain matin avec les résultats du Scan et la suite des procédures. Entre temps, elle doit prendre mes signes vitaux. Elle dépose donc sont coffre à outils blanc sur ma civière, attrape mon bras droit [en changeant de place, j’ai aussi changé de côté du corridor, alors c’est mon bras droit qui est plus facilement accessible] et ce met a chercher des veines. Désolé mais on ne nous trompe pas deux fois. Aucune d’entre elles ne daigne se pointer le bout du nez. Qu’à cela ne tienne, du haut de ses 25 ans et ses 200 livres bien sonnées, elle n’en a que faire. Elle insère la seringue n’importe où dans le creux de mon bras et une fois dans la peau, elle cherche la veine à tâtons. Une douleur quand même digne de mention se propage dans mon bras. Finalement, elle parvient à me vider de deux autres tubes de sang. Elle m’enfonce une autre seringue juteuse dans l’épaule, toujours la droite, et m’injecte ce nectar qui me rend qu’à demi lucide. Ensuite, elle de demande de me coucher sur le côté, bien sûr, l’anus vers elle. Regardant vers le mur, j’entends à nouveau le son du lubrifiant extirpé de son réceptacle avec entrain, ce son si inquiétant. Puis, on entend qu’un « flouch » suivi d’un « serrez les fesses maintenant ».

Quand les lumières se ferment à 21h00, on commence déjà à mieux connaître nos voisins de corridor. Chacun ayant droit à une visite de son infirmière pour s’enquérir de son mal ou pour se faire insérer multiples substances par des orifices existants ou créés pour l’occasion. Derrière moi, un homme d’approximativement mon âge, souffre d’une pierre au rein. Il a eu le même « scan » que moi mais sa pierre doit être logé directement dans l’uretère car la douleur semble atroce. On entend ses gémissements constants et chaque 90 minutes il appel son infirmière pour recevoir une injection. Devant moi, un homme beaucoup plus âgé attend pour une opération d’urgence. Sa vessie est congestionnée et une sonde a été insérée pour permettre l’évacuation de l’urine. Malheureusement, certains caillots de sang engorgent l’orifice ce qui lui cause des douleurs cruelles. À tous les deux heures, l’infirmière doit retirer la sonde pour faire évacuer le sang et remettre la sonde, le tout dans le corridor bien sur. De toute évidence, lui aussi avait abandonné sa dignité avec son pantalon et sa chemise en entrant.

Comme chacun sans doute, l’urgence est toujours ouverte. Il y donc un constant va et vient de personnel et d’équipements qui n’ont absolument aucune considération pour les malades dans le corridor qui ont bien besoin de sommeil pour survire aux atrocités qui les attendent. Les employés parlent entre eux à voix haute. On vient cherche le voisin d’en avant pour son opération. Un autre patient qui arrive en pleine nuit prendre la place de devant, bien sûr, accompagné d’un proche afin d’entretenir une conversation à 2 heures de matin, sans la moindre considération pour les autres. Le voisin d’en arrière qui ne cessent de gémir et finalement l’infirmière qui vient me voir à toutes les 3 heures pour prendre mes signes vitaux.

Le matin du 253ième jour, les lumières s’allument à 6h00. Sans vraiment avoir dormi de la nuit, la douleur est nettement moins importante. Lorsque l’infirmière vient me voir je refuse l’injection en prétextant que cela m’étourdit et que je préfère endurer la douleur qui est tombé à 6. À peine 30 minutes plus tard, une jeune médecin [max 27 ans] se présente à mon chevet en se présentant comme l’urologue qui va s’occuper de moi. Bonne nouvelle, le médecin invisible d’hier est la en chair et en os. Elle doit aller consulter le scan et reviendra me voir avec la suite. Elle s’inquiète de mon refus de l’anti-douleur mais je la rassure en disant que lorsque je ne serais plus en mesure d’endurer, je ferai signe à l’infirmière.

Quelques minutes plus tard, les déjeuners arrivent. On commence la distribution par le numéro 49, derrière, donc mon tour arrivera rapidement. Faux. Devant le numéro 46, le préposé prononce un code que son compagnon interprète comme voulant dire « lui reste à jeun ». Le numéro 47 derrière moi termine sont déjeuner quand le médecin lui donne son congé. Il n’avait pas de pierre, elle avait sans doute passée la veille. Le gars se plaignait pour rien. On n’a pas toute le même tolérance à la douleur faux croire.

La matinée s’éternise alors que le centre de vaccination des employés de l’urgence est à deux portes de mon emplacement. Tous les commentaires sur les raisons qui justifient la prise du vaccin contre la H1N1 et ceux contre circulent en toute liberté dans le corridor, comme les autres microbes et bactéries qui envahissent l’urgence.

Vers 11h30, un autre médecin vient me voir. Celui-ci est un homme plus âgé, la barde et les cheveux blanc, qui tient mon dossier entre ses mains. Le résultat du scan confirme que la pierre se trouve dans le rein, juste au dessus de l’uretère. La pierre doit bouger, ce qui cause les douleurs. Il me propose, à ma grande stupéfaction, un traitement de lithotripsie par onde de choc. Je lui réponds que j’en ai déjà eu deux qui ont échoué. Il me réponde « quand ça » « au début d’octobre ». Le dossier entre ses mains est-il celui de quelqu’un d’autre ? Il n’a pas pris la peine de lire mon dossier, car tous mes autres traitements ont été fait à St-Luc. Je ne suis pas un patient avec un prénom et un nom, non, je suis le numéro 46. Pour eux, la douleur du numéro 46 à commencé il y a 24 heures mais pour moi, c’est le jour 253. Il propose alors d’insérer un double « J » par les voix naturelles pour atténuer la douleur. Je lui réponds que mon médecin, qui est ici à St-Luc, prétend que ce dont j’ai besoin c’est une « uretèroscopie ». Le brave médecin acquiesce mais il faudra prendre un rendez-vous pour ce traitement. Entre temps c’est le double « J » par voix naturelles. Malheureusement, je n’ai pas de voix naturelles pour insérer ce type de broche dans mon uretère. Il sourit en répondant que c’est une façon de parler mais que je n’ai pas à m’inquiéter car ils vont me geler le bas du corps pour cette intervention. Il me tend un papier que je dois signer pour autoriser l’intervention. Je signe.

Lorsque le chariot transportant les repas du midi arrive dans notre secteur, je sais bien qu’il n’y aura rien pour moi. Je suis à jeun depuis 30 heures et sous les effets du manque de sommeil, de la douleur et des relents de la morphine de la veille. Malgré tout, je réfléchi à ce traitement que j’ai accepté. Pourquoi me proposer une solution palliative plutôt que la solution qui règlerait mon problème ? J’ai pris la décision de venir à l’urgence en croyant qu’ainsi, j’allais voir cette douleur qui n’en fini plus s’évaporer comme un vieux cauchemar mais le vrai cauchemar, c’est cette civière numéro 46, ce corridor de l’enfer, cette urgence pleine de maladie où l’on peut voir les virus courir sur les murs et le plancher. Le vrai cauchemar, c’est toutes ces injections de morphine, c’est d’être à jeun depuis si longtemps, d’être aussi fatigué, épuisé et de penser que ce soir [on ne peut savoir l’heure exact] je vais me retrouver les jambes écartées, les pieds sur des étriers alors qu’un médecin s’efforcera d’enfoncer une broche dont les deux extrémités sont en forme de « J », d’où sont nom double « J », dans mon pénis sans défense, endormi par l’anesthésie d’une épidurale.

Une autre décision à prendre, que faire maintenant ? Quand nous sommes devant un médecin, en souffrance, on ne peut qu’accepter le traitement qu’il nous propose, convaincu que ce dernier c’est ce qu’il faut faire. Quand j’ai accepté la cystoscopie, qui s’est avérée l’expérience la plus douloureuse de ma misérable vie et qui s’est avérée aussi inutile que les Tylenol le sont pour chasser ma douleur, je croyais que le médecin avait raison. Mais depuis les 253 jours que je lutte contre notre système de santé pour simplement me faire soigner, j’ai bien compris que tous les médecins n’ont pas eu 90% à leur examen final. Et aujourd’hui, je prends la décision de contester son opinion.

Une des plus mauvaises décisions de ma vie allait être corrigée par une de mes meilleures vers 14h30 quand j’ai appelé l’infirmière pour lui annoncer que je renonçais au traitement proposé. J’ai signé la décharge, me suis habillé [avec mon soluté au bras] puis j’ai demandé à l’infirmière si elle allait me l’enlever ou si je devais le faire moi-même. « Vous ne voulez pas attendre que le médecin vienne vous voir ? ». Pour qu’il me sorte son verbiage à l’effet que si je quitte sans ce traitement je risque de perdre un rein. Pas besoin, il me l’a déjà dit ce matin. « Non ». Elle m’enlève tout l’attirail, comme on enlève les menottes d’un prisonnier. Comme ce dernier le jour de sa libération, je récupère mon portefeuille et mes cartes, je jette un dernier regard vers la civière numéro 46, et je sorts dehors pour prendre une première bonne bouffé d’air depuis une éternité. Évidemment, en posant le pied dehors, la douleur s’intensifie.

À 16h00, me voilà enfin de retour à la maison. Première chose que je fais, je plonge dans mon assiette de spaghetti et je m’empiffre comme un goinfre. Quelques heures, plus tard, une violente diarrhée se jette sur moi pour me vider d’un coup sec. Je tremble de frisson, ai-je la fièvre ? Est-ce à dire que le médecin disait vraie et que je vais perdre mon rein ? Je prends ma température : 36,7C, donc rien d’inquiétant. Je prends un Imodium et je vais me coucher.

Jour 254, je me lève dans un état lamentable. J’ai un mal de tête comme jamais j’en ai eu [en fait avant le début de cette aventure, je n’avais presque jamais pris de Tylenol ou d’aspirine], la nausée, la diarrhée, j’ai toujours des frissons et j’ai mal. Arrivé au travail, je n’en peu plus, ma tête va exploser, mes yeux me brûlent. Je me sens si mal que, je suis convaincu que ce sera bientôt la fin. Je dois préparer mes papiers, mes assurances et mon testament qui n’est pas à jour. J’accepte cette fatalité à ma grande surprise. Il est maintenant certains que je ne serai plus jamais comme avant. Tous ces jours où j’espérais un jour voir mon calvaire prendre fin et reprendre un semblant de vie normale n’étaient que pure fabulation. Cette fois, il est clair que ce ne sera pas le cas. Je serais très étonné de voir un jour de l’an 2010.

Le lendemain, jour 255, tout c’est replacé. Je n’ai mangé qu’un sandwich à 15h00 la vielle mais ce matin j’ai faim. Je n’ai d’autres maux que ceux qui me taraudent depuis plus de 8 mois. Finalement, peut être que la veille j’étais en sevrage de toute la morphine, le soluté et la fatigue…. Peut être que je serai là au jour de l’an 2010 [avec un ou deux reins ?].

mercredi 23 septembre 2009

Matière Fécale

Au sommet du « Signal Hill » à St-John’s, Newfoundland, alors que je lisais l’écriteau explicatif au sujet de Guglielmo Marconi qui avait reçu la première transmission radio transatlantique le 12 décembre 1901, ici même dans la « Cabot Tower », érigé en l’honneur de John Cabot, malgré mon intérêt indéniable pour l’histoire, mon attention était plutôt portée sur la ville qui s’étendait à nos pieds. En tout juste un peu plus de 60 minutes, j’avais gravi la colline qui partait de la ville vers la tour. Une colline si abrupte que très peu s’aventure à l’escalader à pied. À preuve, tous ces touristes qui débarquaient des taxis et l’absence de trottoir ou même d’espace pour piéton le long de la route sinueuse qui mène au sommet. Avant mon séjour de 45 minutes dans le bloc opératoire de l’hôpital St-Luc et les centaines de litres d’eau ingurgités au cours des derniers jours, un tel exploit n’aurait pas été possible. Mon corps aurait été paralysé par une violente souffrance bien avant la mi-chemin de ce parcours.

Ragaillardi par cet exploit, je rentre à Montréal convaincu que je suis sur la bonne voie. Après ces longues semaines interminables de douleur accablante, le soleil serait-il en train de ce pointer, timidement, le bout du nez ? Il semble bien que oui car le samedi suivant, alors que je suis seul à la maison et que je ne ressens absolument aucune douleur, je décide d’entreprendre une tâche impensable même une semaine plus tôt. De tout ce qui aurait pu me venir en tête ainsi libérer de mon entrave, j’ai effectivement choisi cette tâche. J’entre donc dans la salle de lavage, pose ma chaudière rouge et ouvre le robinet d’eau chaude. J’y verse gauchement le détergent, j’attrape la vadrouille au passage et je m’attaque au lavage des planchers. Arc-bouté, les bras tendu, je frotte le sol avec une force surprenante. Mon subconscient surveille en permanence le moindre signe de douleur qui viendrait ruiner mes espoirs mais il ne perçoit rien. Le néant. Infusé d’un enthousiasme débordant, je sautille comme la grenouille que les anglais voudrait que je sois à l’idée de tout ce que nous allons accomplir aujourd’hui. C’est samedi, le ciel est bleu, la température dépasse les 20° et je ne me souviens pas de m’être senti si bien en aucun jour de l’an 2009. Pas une seule minute passée à essayer de chasser la calamité qui me tue à petit feu, à me reposer pour récupérer un peu de force, rien de tout ça, juste une série de déplacements au hockey de mon fils, pour des commissions suivi d’un souper au resto et d’un dessert en chemin.

À mon réveil le dimanche matin, un drôle de sentiment m’habite. Était-ce un rêve ? Somme-nous simplement samedi matin et tout n’était qu’un foutu rêve ! Non, la date sur le journal confirme qu’il s’agit bien du dimanche 20 septembre. Pourtant, j’ai cette incessante douleur qui traverse mon corps comme une lame enfoncée du bas de mon ventre dans un angle de 35 degré pour ressortir un peu plus haut dans mon dos. Cette même douleur, qui mine mon esprit, gruge ma lucidité et me rend sénile. Étais-ce une fausse alerte, un faux espoir pour m’enfoncer plus creux dans l’abîme ou au contraire, un signe que, malgré quelques soubresauts de douleur, la guérison prenait lentement le dessus ? Quoi qu’il en soit, ce matin là, je suis retourné me coucher après avoir évacué bruyamment et douloureusement toute espèce de trace d’un quelconque repas ingurgité au cours des trois derniers jours. À midi, c’est le party de fin de la saison de soccer de mon fils. Au parc, constamment sur le qui vive à la recherche de moindre indice d’une autre violente attaque de Big Mac qui m’obligerait à me précipiter en toute hâte vers le WC, je ne touche pas aux hot dog qui m’observent tendrement. Mais quand les hambergers font leur entrer en scène, je succombe comme un ivrogne devant une bière. Je le dévore sans réserve, sans égard à ma condition matinale ni à la lame qui me traverse le corps. Tout ce passe bien et nous faisons une halte chez Rona, quelques minutes après la remise des trophées au parc. Devant les faux finis de mur, une violente attaque s’est abattue sur moi comme un chien enragé sur un os encore charnue. Croyant être vaincue et devoir asperger le rayon dans son ensemble, je me suis dirigé vers le devant de la section et comme par miracle, un signe sur une porte à proximité indiquait « toilette ». Sauvé par cette apparition divine, j’ai put me rendre à la maison pour encore une fois m’allonger, épuisé et torturé.

Lundi, le 21, jours de vérité. D’abord visite à la clinique privée pour une autre radio. La douleur est à son comble. Aucun signe de rémission alors que je suis étendu dans ma belle jaquette bleue sur la table froide au côté d’une technicienne qui ajuste son appareil afin de bien m’injecter de rayon x. « Nous allons vous remettre un CD avec vos radios dans quelques minutes » m’annonce-t-elle d’un ton aussi invitant que le rot d’un dégoûtant personnage qui vient de s’empiffrer de nourriture insalubre. Mais au moins, elle disait vraie. Au bout de quelques minutes, de nouveau vêtu de mon pantalon, je quitte avec mon CD vers l’hôpital St-Luc pour ma rencontre avec mon nouveau Urologue [j’ai flusher l’autre à cause de son attitude nettement trop sympathique (sic)].

Mon rendez-vous est à 13h35 mais on me recommande de venir plus tôt pour faire ma carte. Donc, à 13h00, je suis au premier étage devant un comptoir qui indique « Carte d’hôpital ». Une charmante et jolie jeune dame qui faisait plus de deux fois mon poids m’intime de m’asseoir sur la chaise qu’elle pointe de son doigt charnue. J’obéi sans rouspéter ma carte d’assurance maladie et ma carte de l’hôpital périmée à la main. Elle me les arrache des mains avec la délicatesse d’un hippopotame qui gratte son derrière sur l’écorce d’un arbre. En deux temps et trois mouvements, elle me rejette ma carte d’assurance maladie et ma nouvelle carte d’hôpital et reprend son travail imaginaire sans me jeter le moindre coup d’œil. Je ne peux m’empêcher de lui dire « merci ».

J’attrape l’ascenseur au vol et j’atteins le 5ième étage d’une volée. Les portes s’ouvrent sur une mer de monde assis bien cordé les uns regardant vers l’est, les autres vers l’ouest. À ma droite, un comptoir d’accueil avec une agressant indication qui hurle de prendre un numéro avant d’approcher sous peine de châtiment terrible. J’obtempère docilement et quand mon numéro est appelé, je me présente au comptoir avec mes cartes mais le préposé, lui, quitte en m’indiquant, en levant son majeur, d’attendre ce qui semble être une minute. Il n’est que 13h12 alors j’ai tout mon temps. Lorsqu’il réapparaît, son humeur est toujours comparable à l’ours grognon. Il saisit ma carte d’hôpital, inscrit ma présence et m’invite à m’asseoir dans la salle déjà bondée.

À peine quelques minutes plus tard, Johnny fait son apparition. Il s’empare du numéro 67 alors qu’on affiche le 59. Un café et son numéro dans une main, son muffin dans l’autre, il vient prendre place non loin de moi en adressant la parole à tout ceux qu’il croise en chemin à leur grand déplaisir. Ses yeux se lèvent sur un homme âgé et visiblement très timide, il lui adresse la question suivante : « C’es-tu normal que Jacques Demers soit nommé sénateur alors qu’il ne sait même pas lire ou écrire ? ». Le pauvre homme ne fait qu’un signe d’épaule pour dire « je ne sais pas » ou « je me fiche comme de l’an 40 » [en passant cette expression proviendrait d’une déformation d’une expression de l’époque des croisades qui se disait : s’en foudre comme de l’Al Coran. On ne sait trop comment ni pourquoi mais l’Al Coran serait devenu l’an 40]. Et voilà, c’est tout ce qu’avait besoin notre bon ami Johnny pour se lancer dans un monologue de plus de 1h45. Après le départ du pauvre homme, c’est moi qui suis devenu son ami. Ma belle présence, mon regard intelligent et ma bouille attendrissante, il n’en fallait pas plus pour le séduire. En regardant ma montre à toute les fractions de seconde, j’ai eu droit à une explication détaillée de sa biopsie rectale, son opération pour enlever son cancer de la prostate, sa rémission pendant 7 ans et la réapparition récente d’une tumeur inquiétante. J’aimais je n’ai tant souhaité entendre crier mon nom. Mais ce n’était pas fini. Il manquait les détails sur les premiers symptômes. Non, ce n’était pas du sang dans les urines. Non, ce n’était pas du sang sans les selles. Oui, c’était su sang dans sa semence. Il était 3h30, c’en était trop, j’étais sur le point de m’éventrer quant j'ai finalement entendu mon nom avec soulagement et l'instruction de me rendre à la salle 8.

Dans le bureau du médecin, je lui tends mon CD alors qu’il m’annonce d’un ton interrogateur que l’on m’a fait éclater la pierre. Non convaincu, je lui réponds que j’espère bien. Sur l’image, je ne vois rien mais lui, il semble bien voir une pierre de 6mm exactement là où l’on était en droit de s’attendre à la voire. L’opération est un échec et il faut recommencer. Je suis stupéfié, abasourdie, médusé, sidéré. Il ajoute qu’en cas d’un second échec, il faudra l’extraire par voie naturelle, évidemment. Tous mes souvenirs de ma cystoscopie se bousculent imprécis dans ma tête comme dans un stroboscope. Il me rend mon CD et quitte la pièce en m’indiquant que l’hôpital va m’appeler pour une autre Lithotripsie par onde de choc. J’ai envi de pleurer comme une Madeleine [expression qui provient de Marie Madeleine, cette ancienne prostituée, qui se présenta à Jésus, se mit à ses pieds, les arrosant de ses larmes et de parfums, tout en les séchant avec ses cheveux alors qu'elle lui confessait ses pêchés].

Je marche sur la rue pour retrouver ma voiture. Mes yeux humectés sont embrouillés. Mon corps semble peser une tonne, j’ai mal partout. Mais avant tout, j’ai mal au cœur. Pourquoi ai-je vécu un tel samedi alors qu’en fait je n’étais jamais sorti des bas fonds de l’enfer ? Je suis prisonnier du film le jour de la marmotte. J’en suis à ma 12ième visite à l’hôpital depuis février et je suis toujours au même point qu’au tout début. Même pierre, même douleur, même incertitude, même délai avant la suite. La seule chose qui a changée c’est la volonté, la force, le désir de lutter. Je suis épuisé, à bout…

jeudi 3 septembre 2009

De l'endorphine à la morphine….

J'ai couru un 5k pour la première fois de ma vie en septembre 2005. L'année suivante, je m'étais donné comme défi de courir de chez moi jusque chez mes beaux parents; 10,5k. Une fois ce défis accompli, j'ai eu comme une piqûre : « un jour, je vais courir le marathon ». Aujourd'hui, après trois ans d'entraînement avec des périodes plus intense les quelques mois qui précèdent le marathon, la course fait partie de mon quotidien. C'est un besoin dont je peux difficilement me passer. En 2007, j'ai couru à peine deux semaines après ma blessure à la cheville [lors d'un match de hockey cosom]. Je sais très bien que c'est ce qui a retardé ma pleine guérison mais c'était impossible pour moi de ne pas courir. Ce n'est pas que j'en avais envi, j'en avais besoin. Même chose en 2008, j'ai couru tout l'été et le marathon de Toronto avec une blessure au pied droit. Je ne pouvais simplement pas arrêter six mois pour attendre une pleine guérison. C'est de la folie, dirons certains mais c'est plus fort que moi, comme si la course était une drogue avec des effets de dépendance. Tellement qu'avec 996km en 2008, je voulais fracasser la barre de 1000km en 2009.

Pourtant, je viens de terminer mon sixième moi sans courir. La douleur quotidienne m'empêche de faire le moindre effort, une douleur si vive qu'elle parvient à neutraliser ou à anéantir mon besoin de courir. Au début c'était difficile, comme si j'étais en période de sevrage. Les jours où j'allais un peu mieux, je courais un petit 5k, juste pour y goûter, pour savourer, même à petites doses, l'exquise saveur de pousser son corps plus loin. Petit à petit, les jours où je me sentais assez bien pour courir diminuaient pour finalement disparaître et laisser mon tapis roulant s'empoussiérer.

La course étant chose du passé, voici le temps des traitements. Depuis, l'introduction de matières indésirables, telle qu'une caméra, dans ma vessie par voie naturelle [ça c'est ce que dise les médecins mais je vous garantie qu'il n'y a rien de naturel dans cette intervention… voir mon article sur la Cystoscopie], je prends de la morphine. Pour être précis, je prends des comprimés de 1mg de Dilaudid soit de l'hydromorphone. Bien que je n'y connaisse rien en pharmacologie, je sais que 1mg de Dilaudid équivaut à 5mg de morphine. Il faut bien préciser, toutefois, que les effets de dépendance, ce manifestent rarement lorsque le médicament est administré par voie orale. Donc, inutile de s'en priver !

Devant les inquiétudes de mon entourage face à ma consommation « excessive » [au dire de ceux qui ne souffrent pas] de ce produit miraculeux, j'essai de réduire ou devrais-je dire de contrôler ma consommation. Ce que les gens ne comprennent pas c'est qu'à peine une dizaine de minutes après avoir ingurgité un de ses petits bonbons non seulement la douleur s'évapore mais le ciel devient plus bleu, l'air plus pure, le sourire de gens est plus radieux mais surtout je suis invincible. C'est vrai que je suis un peu étourdit, que j'ai des maux de tête et des nausées mais ce ne sont là que des inconvénients d'une banalité indigne de mention. L'important c'est la dissipation du brouillard qui masquait mon avenir. Grâce à ces effets anxiolytiques, tout est à ma porter je peux rêver à nouveau.

D'accord, il ne faut pas en abuser mais deux jours sans avaler ce minuscule comprimé et déjà je voie le brouillard s'épaissir, comme s'il était nourri par les relents de douleur qui m'accablent de nouveau. La route de l'avenir semble moins longue comme si un panneau en damier jaune et noir [de type « dead end »] venait de surgir de nul part pour aviser les automobilistes de la présence d'un précipice droit devant. Malheureusement, je n'ai pas de frein. Impuissant, j'observe le paysage défiler lentement de chaque côté. Résigné, j'accepte ma destiné. Quand soudain, j'entends un cri au loin. Un cri incompréhensible, comme un appel à l'aide. Je tends l'oreille pour mieux comprendre. C'est quelqu'un qui me supplie de l'aider. Quelqu'un qui veut mourir et me demande son assistance. Que faire, c'est immoral. Les cris se rapprochent et je distingue enfin leur teneur : c'est un comprimé de dilaudid qui me supplie de le manger.

Cet irrésistible besoin d'un comprimé me fait penser à mon ancien besoin de courir. Le même magnétisme qui t'attire, te murmure des mots apaisants et parvient enfin à te faire céder à la tentation. Est-ce à dire que la course est une drogue comparable en terme d'effet et de dépendance ? Il semble bien que oui.

La course, tout comme plusieurs autres activités sportives, favorise la libération de l'endorphine. L'endorphine est une morphine endogène [produite par l'organisme] qui est libérée par l'hypothalamus et l'hypophyse [parties du cerveau] dans les situations de stress, mais de façon plus significative pendant et après l'exercice physique. Une fois sécrétée, elle se disperse dans le système nerveux central, les tissus de l'organisme et le sang. Le taux d'endorphines produites ou libérées est directement lié à l'intensité et à la durée de l'exercice. Ainsi, il ne suffit pas de courir pour savourer ses biens fais, il faut maintenir l'effort pendant au moins une demi heure, gardant un rythme dit « confortable en endurance ». Il faut donc maintenir un rythme supérieur à 60% de ses capacités respiratoires mais être capable de tenir une conversation en courant.

L'endorphine à des effets similaire à la morphine. C'est cette drogue que les sportifs recherchent quant ils sont accro à un sport. Quand elle se disperse dans mon système nerveux, mes tissus et mon sang c'est un moment d'euphorie, de spiritualité, de puissance, de grâce, de déplacement sans effort, de vision momentanée de la perfection, de flottement dans l'irréel. À partir du 30ième kilomètre, soit [dans mon cas] après plus de 3 heures de course, lors du marathon de Toronto, je ne peux pas vous raconter ce qui me passait par la tête mais j'étais sérieusement inquiet au sujet de ma santé mental. Je n'avais plus le contrôle de mes pensés qui voguaient de : pourquoi suis-je sur cette terre à pourquoi suis-je toujours en train de courir après 3 heures ?

Le jeux des comparaison ne s'arrête pas là car, tout comme la morphine, les endorphines on des effets anxiolytiques, ce qui fait que les sportifs sont moins sujet au stress que les non sportifs. Sans trop entrer dans les notions techniques, il faut préciser que les endorphines ne sont pas les seules en cause, il y a d'autres neuromédiateurs, telle que la sérotonine, qui exerce également un rôle antidépresseur. De plus, les endorphines agissent de façon identique à la morphine en se fixant sur des récepteurs spécifiques qui bloquent la transmission des signaux douloureux et réduisent la sensation de douleur [effet antalgique]. Elles élèvent le seuil de la douleur et cet effet dure jusqu'à quatre heures après leur sécrétion. En inhibant les douleurs d'origine musculaire ou tendineuse pendant l'effort, elles me permettent de courir plus longtemps.

La question inévitable est donc : est-ce que les endorphines créent un effet de dépendance identique à celui de la morphine ? La réponse des spécialistes est unanime [enfin presque], à savoir : « Pas de tout car les endorphines sont rapidement détruites par les enzymes de l'organisme. Il s'agit d'une dépendance psychologique. Les sportifs sont très attachés aux sentiments de bien-être et de plaisir procurés par leur activité. Ils entretiennent avec elle une relation affective très forte qu'ils peuvent difficilement interrompre ».

En quête d'un peu d'endorphines, voilà que je chausse mes souliers de course pour la première fois depuis des mois. Mes mains tremblent alors que j'essaye de nouer mes lacets, mon cœur palpite dans l'anticipation de voir s'activer le mécanisme de mon tapis roulant. Je me sens comme mes fils qui se préparent pour le premier jour de la renter scolaire; anxieux mais enthousiaste. Je m'approche de mon tapis pour mettre l'interrupteur en marche, rien. Le tapis ne fonctionne pas. Aussitôt, je peste intérieurement contre mes fils qui ont sans doute endommagé le mécanisme au cours d'un de leurs jeux débiles ou lors d'un match de hockey full contact.

Je me précipite au salon pour attraper une lampe et je reviens dans ma salle d'entraînement pour vérifier qu'il y a bien du courant dans la prise. Qui sait, peut-être est-ce simplement un problème de « breaker » ? La lampe brancher, elle s'allume comme un charme. Je relève le tapis et enclenche l'attache qui le retient, je me glisse en dessous pour inspecter, à la recherche d'une évidence de dommage, rien. Je remets en marche l'interrupteur alors que le tapis est toujours relevé [en espérant que ça ne fonctionnera pas car autrement, qui sais ce qui ce produira] mais j'entend un petit déclic qui confirme que le courant passe. Je retire l'attache et dépose le tapis au sol. Dès que je monte dessus, l'évidence me frappe au visage comme un ballon de basket égaré par une bande de jeune. Je réalise alors que ça fait bien trop longtemps que je n'ai pas mis les pieds sur cette machine. Les tapis possèdent un petit gadget qui sert de protection et en cas de problème, il suffit de tirer dessus pour couper le courant. Je replace donc ce petit gadget et tout s'allume. Je suis enfin près à entreprendre ma course.

Suite à une si longue période d'abstinence, je débute avec un réglage bien simple, vitesse à six mile à l'heure [6,22 mile à l'heure équivaut à 10 km à l'heure] et c'est parti. Les 30 premières secondes consistent à signaler à mon cœur que je suis en entraînement et qu'il doit s'activer. Au bout de 2 minutes, il y a quelque chose qui cloche. Ma respiration est trop lourde et mon cœur se débat anormalement. À la troisième minute, toujours avec le même sentiment de détresse, je réduit la cadence à cinq mile à l'heure [ce qui est bien trop lent pour un véritable coureur]. Mon système ce replace et me voilà véritablement en marche. J'augment graduellement la vitesse pour enfin revenir à six mile à l'heure.

À la onzième minute, je suis à bout de souffle. À cette vitesse, je devrais normalement pouvoir facilement entretenir une conversation sur une période de 2 heures mais après onze minutes, je suis à bout. Mon dos me fait terriblement mal et je dois admettre, à contre cœur, que je vais devoir abandonner mon projet de faire un petit 5km pour me remettre dans le bain. Je décide de compléter mon deuxième kilomètre et j'arrête mon tapis. Les mains sur les bidules qui captent mon rythme cardiaque, la tête légèrement penchée en avant, je récupère mon souffle en observant mon menton qui dégoûte sur le tapis. Je suis découragé et certes pas convaincu qu'il n'y a pas des larmes parmi les gouttelettes qui perlent sur mon visage. J'ai peine à soulever ce corps qui ne m'obéit plus pour quitter l'enceinte où jadis, je vivais. La douleur est toujours là, fidèle compagnon qui ne m'abandonne jamais. Quittant la pièce en titubant, je lance un dernier regard à mon tapis éteint. Adieux les endorphines, vivement la morphine.

vendredi 28 août 2009

La lithotripsie

Ce matin là, la température était idéale. L'humidité des derniers jours s'était dissipée laissant place à de l'air chaud mais sec. Les nuages avaient pris congé pour profiter de cette journée radieuse. Au volant de mon véhicule, plus j'approchait de l'hôpital plus je transpirait. L'augmentation de mon rythme cardiaque et de la circulation sanguine faisait monter ma température au point que mon front en devenait moite.

Arrivé sur la rue St-Denis, à ma grande surprise tous les espaces parcomètre sont libres; ce qui n'est certes pas bon signe. En effet, il y a interdiction de stationner avant 9h00 partout alors qu'il n'est que 8h25. Soit dit en passant, mon rendez-vous est pour 10h00. Nous végétons donc dans le véhicule jusqu'à 9h00 avant de se lancer dans une petite balade dans le coin malfamé de St-Laurent et St-Catherine.

9h45, je me présente au comptoir d'accueil où l'on s'empresse de me demander un échantillon d'urine alors que je suis à jeun depuis minuit la veille. Mon petit pot rempli, on m'invite à passer dans une chambre à trois, de me déshabiller et d'enfiler une somptueuse jaquette bleue. Les légers motifs sur la jaquette de l'hôpital St-Luc font classe par rapport aux jaquettes décolorées de l'hôpital Sacré-Cœur. Nue comme un vers sous cet accoutrement de fortune, les jambes croisées sur mon lit d'hôpital, j'attends mon tour pour passer devant le bourreau. L'infirmière nous informe que je vais passer vers les 11h30, mon appendice aura le temps d'attraper un courant d'air d'ici à ce temps là, ne puis-je m'empêcher de penser.

11h45, un préposé qui rêvait, étant enfant, de devenir comédien mais qui a mal tournée, est venu me chercher. Coucher sous un drap, le corps crispé, j'observe le plafond alors que le préposé me promène dans les corridors en me racontent que je ne devrais pas m'en faire puisqu'une fois anesthésié, je ne verrais pas les perceuses Mikita ni les scies Black & Decker qui seront disposées à mes côtés pour fin de l'intervention. J'ai l'impression d'être un condamné qui est conduit à la potence : « walk the line » comme disent les prisonniers américains condamnés à l'injection.

Arrivé au bloc opératoire, le futur candidat au titre de monsieur festival juste pour rire m'abandonne tout simplement dans une salle on l'on empile les lits comme le font les transporteurs avec leurs remorques dans la cours. Au bout d'une dizaine de minutes, on vient placer la civière d'une femme dans la trentaine à quelques centimètres de la mienne; nous sommes en ligne, attendant notre tour. Quand le médecin vient lui raconter son intervention pour une tumeur aux ovaires, me corps se détend. Soudainement, le niveau d'angoisse s'estompe, mon intervention ne me semble plus aussi effrayante.

Il fallait bien que ce moment arrive. Une infirmière est venue me chercher pour me rouler jusque dans la salle d'opération. Une immense machine suspendue au plafond pointe vers le lit dont le cuir noir fait miroiter l'imposant éclairage qui projette sa lumière pour qu'il ne fasse aucun doute de l'endroit où je dois me diriger. Trois individus se cachent derrière une section vitrée alors que l'infirmière monte le niveau de ma civière afin d'arriver à niveau avec le lit de la torture. « Glisser vous sur le lit » me dit-elle, le visage arborant un rictus sensiblement sadique.

Dès que je m'exécute, un des sbires quitte son poste derrière la baie vitrée pour prendre place à mes côtés. Il m'enlève le haut de ma jaquette pendant que l'infirmière recouvre mes jambes avec mon drap. « Je vais vous installer ces électrodes afin que nous puissions vérifier vos signes vitaux pendant l'intervention » dit-il en me collant des plaques de métal sur la poitrine et sur le côté gauche de la cage thoracique. Les deux acolytes disparaissent pour laisser place à l'anesthésiste. Ce dernier m'enfonce une aiguille dans la main gauche à laquelle est rattaché un soluté. Il faut admettre qu'il a fait un travail remarquable car aujourd'hui je n'ai qu'un tout petit point rouge sur la main, pas une seule présence de bleu, de jaune ou de mauve.

Le médecin fait son apparition pour s'assurer que tout est en place puis il disparaît derrière le mur de vitre. L'infirmière revient pour remplir un cousin d'eau chaude sous mon dos et mes fesses. De l'eau chaude aux effets thérapeutiques me dis-je alors. Puis elle me fait déplacer vers la gauche pour que son machin puisse mieux me percuter. Voilà tout est prêt. L'anesthésiste injecte son venin dans mon soluté, un goût répugnant se propage dans ma bouche et c'est parti. Le coup semble partir du haut pour s'abattre dans mon dos mais la sensation est comme si on me frappait à coup de marteau dans le dos au niveau du rein droit. On me frappe a un rythme régulier, l'intensité semble la même à la longue la douleur devient de plus en plus insupportable. Au bout de 10 minutes, il me semble penser que la douleur est plus intense mais l'anesthésiste se présente dans la salle en me demandant si je vais bien. Peut-être ai-je réfléchi à haute voix après tout ? « La douleur est plus intense » lui annonçai-je. Il me propose alors une nouvelle dose de venin mais qu'il ne reste plus qu'une minute au traitement. Pour une minute, je peux l'endurer lui répondis-je sans trop de conviction.

Le traitement terminé, on retire toutes les pièces Mikata ou Black & Decker qui m'entourent. Je transfères ma carcasse endolorie sur ma bonne vieille civière et on me redirige vers ma chambre. L'infirmière m'informe que je dois boire beaucoup d'eau et marcher 15 minutes dans les corridors avant d'avoir droit à une petite collation et obtenir mon congé. Dès qu'elle quitte la chambre, je me lève pour entreprendre cette marche. Le poteau qui soutient mon soluté comme béquille, vêtue de ma jaquette et de mes chaussettes, le dos arrondi, nous circulons dans un constant va-et-vient le long du couloir mais la douleur est telle que ma démarche est anormalement lente.

Au bout des 15 minutes, lorsque l'infirmière me demande comment je vais, je lui fais part de la douleur qui, semble-t-il, est tout à fait normale. Elle me propose une pilule miracle que j'avale sans rouspéter en m'allongeant sur mon lit. Je me réveil plus d'une heure plus tard avec un peu plus de couleurs au visage et une douleur plus endurable. On m'apporte une collation digne de la réputation des cafétérias hospitalières, soit pas mangeable. Un bol de crème de rien, il n'y avait que la crème, et un yogourt à rien. Heureusement, j'ai dévoré les deux biscuits sodas qui accompagnait ce somptueux repas.

L'infirmière vient ensuite m'expliquer la suite avant de me donner mon congé. La lithotripsie par ondes de choc ou LOC dans le langage médicale [oui, je sais, dans notre langage une LOC est une Letter Of Credit mais bon] vient déstabiliser la solidité de la roche. Puisqu'elle est prise dans le rein, les morceaux restent ensemble par contre, ils ne sont plus solidifiés. Il faut maintenant faire en sorte que ces morceaux se séparent pour éviter qu'ils ne se solidifient à nouveau entre eux. Il faut donc boire beaucoup d'eau, deux litres par jour, et marcher. Les résultats possibles de cette LOC sont : (1) tout se désintègre en poussière et s'évacue sans problème, (2) tout se fractionne en petits morceaux qui s'évacuent avec une violente douleur, (3) une partie constitue un morceau trop gros pour s'évacuer de lui-même alors il reste coincer dans l'urètre causant un blocage dans la vessie. Dans ce cas, j'aurai des vomissements, de la fièvre, incapacité d'uriner et un risque d'infection. Il faudra alors allez à l'urgence pour une urétéroscopie, qui consiste, bien sur, à entrer une multitude d'objets dans mon pénis afin de forcer le passage du caillou. (4) la pierre est toujours dans le rein.

Dans le cas des trois premiers options, je suis débarrassé de cette foutu pierre. Par contre, dans le cas de l'option 4, il faudra soit que je subisse une nouvelle LOC ou encore une néprhostomie percutanée ou une chirurgie rénale percutanée qui, dans les deux cas, consiste à aller chercher la pierre dans le rein, sous anesthésie générale, évidemment. Inutile de vous préciser que je bois tout près de 4 litres d'eau par jour et que malgré la douleur [qui, faut-il le préciser, m'accompagne toujours comme avant cette autre intervention], je marche tous les jours le plus que je peux, soit moins de 2 km. La suite au prochain rendez-vous !

vendredi 21 août 2009

La cystoscopie

En posant un pied à l'intérieur de l'hôpital, une étrange sensation de panique s'est emparée de moi. Comme si je venais d'entrer dans une maison hantée et que des bruits de chênes et des hurlements s'étaient aussitôt produits. Mon pouls était plus rapide et la température avait gagnée quelques degrés. De toute évidence j'appréhendais ce qui allait suivre.

À peine quelques minutes après avoir fait mon enregistrement, une infirmière m'appelle, je dois franchir les portes de la section Endoscopie de l'établissement. Comme un condamné à mort qui se dirige vers la chaise, j'avançais lentement vers cette section maudite de l'hôpital. Une fois dans l'enceinte, la jeune infirmière me demande de me déshabiller ; ce n'est peut être pas l'enfer après tout ? Mais, elle s'empresse d'ajouter : « …dans ce petit local et vous enfiler une jaquette bleue. Ensuite, vous aller vous asseoir dans cet autre local juste ici ».

En entrant dans le local juste ici, je suis frappé de stupéfaction. Onze des douze chaises sont déjà occupées par des septuagénaires et des octogénaires en jaquette bleue. L'un deux, arbore une effrayante perfusion veineuse au niveau du bras me laissant croire que son test sera plus atroce que le mien. Un par un, chacun d'eux est appelé mais jamais un seul n'est revenu.

Pour une raison que je n'arrive pas à m'expliquer, dans cette salle d'attente je ne ressentais aucune presse, aucune impatience. Je n'étais aucunement pressé à entendre mon nom. Mais ce moment devait arriver. Une charmante infirmière au visage plissé m'appela. Nous passâmes dans un autre local où elle me posa quelques questions d'usage avant de m'expliquer ce qui m'attendait :

« Pendant l'examen, le médecin introduira l'endoscope par le méat urinaire après une désinfection soigneuse des organes génitaux. Un gel anesthésique sera étalé sur l'endoscope afin de réduire la douleur. Le tube étroit est inséré dans la vessie par l'intermédiaire de l'urètre. Ce tube, de la taille d'une paille à boire, a deux canaux : un canal contenant un endoscope, un genre d'appareil photo qui permet l'examen visuel direct, et un autre canal servant à mettre des solutions pour l'instillation dans la vessie. Une fois l'endoscope inséré, le médecin, commencera son exploration en progressant lentement dans le conduit urinaire puis dans la vessie. Il visualise en totalité les muqueuses et pourra faire des prélèvements de toute lésion suspecte. »

Dans mon cerveau en panique, je m'attendait à être conduit dans une salle fermée, du type salle d'opération, où le médecin et une infirmière seraient présents pour me faire passer ce foutu test mais j'avais tort. Je suis entré dans une salle d'opération où quatre infirmières, deux préposés et trois médecins s'afféraient à différentes tâches. L'infirmière aux cheveux poivres et sels m'a demandé de m'installer sur le lit qui était à quatre pieds du sol et de poser mes genoux dans les étriers, bien sûr, en prenant bien soin de relever ma jaquette afin que je ne sois pas assis dessus. Couché ainsi, j'avais la même sensation de détente que l'on ressent lorsqu'on est dans la salle du dentiste, après qu'il ait appliqué l'anesthésie, et qu'on attend qu'il finisse de préparer son matériel pour procéder à l'extraction d'une dent.

Soudain, l'infirmière qui m'avait sommer de me coucher m'annonça qu'elle allait procéder à une désinfection soigneuse de mes organes génitaux. Elle releva ma jaquette pour bien exposer mes parties, m'avisa que ce serait froid et procéda en attrapant mon organe solidement. On aurait dit une maman qui débarbouille la bouille de son fils. Après l'application d'un gel glacé, elle m'abandonna, l'organe au vent alors que toute la congrégation présente continuait à s'afférer à toute sorte de tâches qui semblaient primordiales.

Ce n'est qu'au bout de quelques minutes, qui m'ont semblé une éternité, que le médecin, accompagné d'une poignée d'étudiants, a daigné ce présenter. Sans une, ni deux, il m'empoigna et une affreuse douleur se propagea dans l'ensemble de mon système nerveux. Si l'insertion du tube et l'injection de l'eau pour remplir ma vessie avaient été douloureux et surprenants, la suite était horriblement atroce. Le tube rigide à l'intérieur semblait être poussé vers le bas pour que mon organe soit parallèle à mon corps mais la rigidité créait une résistance. Chaque progression semblait augmentait la pression sur mes organes augmentant de façon exponentielle la douleur endurée.

Voyant mon corps totalement crispé et tendu, une spectatrice venue de nulle part s'approche de moi, place sa main sur mon épaule et me balance : « détendez-vous, plus vous êtes tendu plus c'est douloureux ». Heureusement, j'étais trop crispé et incapable de bouger car autrement mon réflexe involontaire aurait certes été de lui foutre une bonne baffe.

Enfin, quand mon visage est devenu blanc et que j'allais m'évanouir sous l'effet insoutenable de cette fulgurante douleur, le médecin a demandé à une infirmière de m'appliquer une compresse d'eau froide dans le cou et sur la tête avant de me dire : « restez avec nous c'est presque terminé ». Effectivement, peu de temps après, je senti qu'on me retirait l'endoscope et aussitôt la douleur s'est volatilisée pour laisser place à une inconfortable sensation de brûlure. La porte du local était ouverte, le médecin et ses étudiants étaient partis, j'étais laissé à moi-même, les jambes écartées avec quelques goûtes sang dégoulinant de ma verge.

Au bout d'une éternité, l'infirmière aux cheveux poivres et sels rabaissa ma jaquette pour cacher l'horreur qui venait de se produire et je fus transféré dans un autre local où l'on m'avait installé un équipement qui prend automatiquement la pression aux 15 minutes. D'une vessie bien remplie par le médecin découle une pressante envie d'uriner mais impossible de bouger avec cet appareil au bras. Quarante-cinq minutes à me dandiner sur mon siège pour contrôler mon envie et chasser la sensation de brûlure avant que le médecin vienne m'annoncer de un, que le test est négatif, je n'ai aucun problème à ce niveau et de deux, que je pouvais quitter.

Ce temps d'attente m'a permis de réfléchir longuement à ce qui venait de ce passer. Les quelques connaissances qui avaient subit ce test avant moi m'avait dit qu'ils avaient eu un sédatif avant et que le test n'était pas très douloureux, mis à part la sensation de brûlure. Pourquoi ne m'avait-on pas donné de sédatif ? La conclusion de ma réflexion est qu'un étudiant a demandé au médecin si le test pouvait ce faire à froid. Le médecin de répondre que oui mais que le patient risquerait de s'évanouir sous l'effet de la douleur. Par contre aujourd'hui, dans la salle d'attende nous avons un homme plus jeune que les autres sur lequel nous pouvons faire le test. J'imagine mal que la réponse soit qu'ils ont tout simplement oubliés.

Quoi qu'il en soit, dès avoir obtenu mon congé, je me précipite au toilette afin d'évacuer cette substance qu'on venait de m'injecter. Bien sûr, le tout accompagné d'une autre violente douleur, cette fois une sensation de brûlure qui n'en finissait plus. Si intense que j'ai du jeter un regard rapide dans la toilette pour m'assurer que n'ai pas mis le feux nulle part. Je constate qu'il y a toujours présence de sang et je quitte ce lieux maudit avec un souvenir marqué au fer rouge dans ma mémoire : il y a pire que cette satanée douleur qui m'assaille quotidiennement !