dimanche 15 novembre 2009

Vendredi 13 !!

Vendredi 13 novembre, jour 269, assis en plein centre du Pandémonium [pour ceux qui ne le savent pas, c’est la capital de l’enfer], je sens les feux de l’enfer pénétrer mes entrailles et me détruire. Tout est sombre, seul les yeux de Lucifer brillent dans la pénombre. Les atrocités que je subit depuis les petites heures de matin son dignes des meilleurs exploits du maître de la torture. Alors que le jour 268 devait être celui de ma libération, comment ai-je pu me retrouver dans ces bas fonds un vendredi 13 ? Eh bien voilà :

Depuis mon opération, mon pénis saigne, goutte à goutte, sans arrêt. La douleur, comme si on l’avait plié dans un sens qu’il ne devait pas, est si intense que je ne ressens aucunement les écoulements. L’uretèroscopie consiste à insérer une fibre optique au laser dans l’uretère par les voix naturelles afin d’y faire éclater la pierre mais, ô quelle surprise, l’opération fût un échec.

6h45 jeudi le 12 novembre, j’arrive à l’hôpital pour mon opération. Un sentiment de bonheur de voir enfin s’achever cette douleur infernale se dispute la pole avec un sentiment de frayeur à l’idée de tous ces instruments qui devront être insérés dans mon fidèle compagnon sans défense. Je suis anxieux et ma tension doit atteindre des sommets effrayants. 7h15, je suis déjà nu comme un vers sous ma somptueuse jaquette bleue et on m’attribue le lit 1316 dans une salle qui contient plus d’une dizaine de lits alignés, séparés par des rideaux pour un peu d’intimité.

Couché sur mon lit, je lis mon livre d’Émile Zola, La bête humaine. Quel livre pénible à lire. L’auteur a besoin d’au moins dix pages pour nous expliquer qu’il ne se passe rien. Entre deux paragraphes, je visualise la scène qui m’attend : les jambes écartées, quatre ou cinq outils enfoncés dans mon pénis et un médecin qui s’amuse à faire éclater la pierre comme s’il était aux commandes d’un jeu de « playsation 3 », sept ou huit spectateurs, les yeux rivés sur mon sexe attendant le moment où celui-ci éclatera sous la pression. L’infirmière m’annonce que je suis chanceux car je suis le deuxième sur la liste. Est-ce vraiment de la chance ?

9h20, j’entends le haut parleur hurler « 1316 SO » que j’interprète comme le 1316 en salle d’opération. 15 minutes plus tard on vient me chercher pour me conduite à la salle des tortures au 7ième. Bien sûr, on y retrouve également une salle d’attente où on m’installe pour une autre vingtaine de minutes. Puis l’anesthésiste vient me voir pour me dire qu’après vérification de mon dossier, elle ne procèderait pas à une anesthésie générale mais plutôt à une anesthésie locale de sorte de geler uniquement le bas du corps. Ensuite, un préposé me conduit dans les dédales des salles d’op, évitent au passage tout ce qui traîne dans le corridor. Enfin, il m’abandonne devant un écriteau qui dit « réservé aux civières ». Quelques minutes plus tard, le médecin vient me voir, grand sourire, il me dit de ne pas m’en faire, il est le spécialiste des « garnottes ». Il m’explique en détail la procédure et les risques minimes : perforation de l’uretère qui devrait guérir tout seul ou nécessité une seconde intervention pour réparer les dommages. « Des questions ? » « non ».

J’entre dans la salle et bien que j’aie travaillé pendant sept étés à l’hôpital Sainte-Justine et que j’ai été à maintes reprises dans les salles d’opération, voir la salle du haut de ma civière était assez impressionnant. Les grosses lampes au plafond, la taille surdimensionnée de la table d’opération, le nombre de personne dans la salle, tous occupés à quelque chose et cette odeur particulière me donne des frissons : je veux rentrer à la maison et jouer aux autos avec mon bébé !

Tout le monde cherche l’anesthésiste : « Mais où est-elle, on perd du temps ici ». Un jeune homme s’approche en m’annonçant qu’il est un assistant et qu’il va introduire le soluté. C’est reparti, il me tapote le bras droit, puis la main, à la recherche d’une veine qu’il pourrait pourfendre. C’est l’infirmière qui lui dit que je dois contracter ma main « ferme le poing, relâche, ferme le poing, relâche ». Enfin, la cible est en vu et la perforation se fait aussitôt. L’adorable goût d’un repas liquide qui ne goûte rien se repent dans ma gorge comme un venin. On m’enlève les manches de ma jaquette et on me demande de m’asseoir car l’injection pour l’anesthésie se fera dans le bas de mon dos. Trois piqûres peu douloureuses et voilà le bas de mon corps est gelé. Elle ajoute un petit cocktail dans mon soluté et bonsoir, je suis parti. Comme à la première lithotripsie, je me réveil à la toute fin de l’intervention. J’entends le médecin qui dit « on va essayer avec la numéro huit ». Un drap a été installé au dessus de mon ventre de façon à ce que je ne puisse pas voir ce qui ce passe de l’autre côté. Peut importe, je l’avais déjà visualisé plutôt ce matin. Je ne sens rien du tout. « Ça ne passe pas ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Que ce passe-t-il ? Ce n’est certes pas des bonnes nouvelles.

Le médecin remballe tout, on enlève le drap et on me conduit à la salle de réveil. Comme je ne sens rien, je glisse ma main sous la couverture pour toucher mon pénis, probablement qu’inconsciemment je voulais vérifier s’il était toujours là. En le touchant, je ne sens rien mais au bout il y a quelque chose que me surprend, je lève la couverture pour découvrir ce qui ce cache dessous : mon pénis est enflé et il y a une sonde dedans. Je suis le fils jusqu’à la poche attaché au pied du lit, pleine de sang. Le médecin vient me voir pour m’annoncer que l’opération est un échec. L’uretère est trop petit pour pouvoir y insérer l’instrument qui allait faire éclater la pierre. Donc, à la place, il m’a inséré un « double J » dedans. Il espère que cela permettra de l’élargir et dans deux semaines on reprendra l’opération. Je suis abattu, j’ai juste envi de pleurer mais je n’en ai pas la force. Il m’avise enfin que le double j ouvre le conduit entre la vessie et le rein ce qui fait que lorsque j’irais uriner je devrais ressentir une douleur parce que l’urine va remonter dans le rein.

Tranquillement, je parviens à nouveau à bouger les pieds, mais pas encore les jambes ni les orteils. C’est bon signe et j’ai mon congé de la salle de réveil. De retour dans le dortoir du début, lit 1316. Il ne reste plus qu’à attendre. Vers 13h00, une trop jeune infirmière, blonde aux yeux clairs, vient me voir pour s’enquérir de mon état. Je suis maintenant capable de plier légèrement les genoux mais je n’ai aucune sensation entre le nombril et les ceux-ci. Elle constate une importante tâche de sang sur ma couverture et, en enfilant des gants de latex, elle m’annonce qu’elle va jeter un coup d’œil. Elle ferme le rideau pour un peu d’intimité et relève la couverte découvrant un petit être meurtrie baignant dans son sang. On croirait un homme abattu par balle depuis si longtemps qu’il s’ait vidé de son sang. Elle doit procéder à un bref nettoyage pour constater l’état des dommages. La sonde est toujours bien en place et le sac continue de se remplir donc, il ne doit pas y avoir de complication semble-t-elle croire car elle replace la couverture par-dessus la scène d’horreur et retire ses gants « tout semble correct ».

Peu de temps après, soit vers 13h30, une infirmière auxiliaire, encore plus jeune que l’infirmière [pas 30 ans cette fois] vient me demander si j’ai de la douleur, je lui répond que non, que mes fesses et mes couilles sont toujours gelées alors je ne ressent rien. Intriguée, elle aussi, par la présence abondante de sang, elle souhaite jeter un coup d’œil [à moins que sa collègue lui ait dit : « il faut que tu ailles voir ça »]. Encore les gants de latex, le rideau et la couverture et voilà une autre scène de crime. Tout est de nouveau cacher par le sang, elle doit, elle aussi, procéder à un bref nettoyage pour constater l’ampleur de la situation. En le manipulant, elle fait bouger la sonde qui me surprend car jusqu’à lors j’étais insensible à ce niveau. « Désolé » dit-elle en replaçant la sonde. Cette fois, je peux bouger les jambes et les orteils donc dans une demi-heure on essayera de me lever. Si j’y parviens, on pourra enlever la sonde. Avant d’obtenir mon congé, je dois avoir été en mesure de marcher un peu et surtout d’uriner dans un chapeau blanc avec une mesure pour calculer la quantité de la mixtion [urine et sang].

À 14h00, je suis totalement dégelé ma sensation est revenu partout. Ça fait du bien de sentir ses fesses, elles qui étaient engourdies depuis presque 4 heures. Une infirmière plus âgé cette fois [décidément, elles se sont données le mot] vient me demander si je peux me lever. Je réponds que je crois bien que oui. Je me lève délicatement car c’est la première fois que je dois composer avec un tube de caoutchouc qui me pend au bout de la queue et je ne veux surtout pas le faire bouger. « C’est bon vous êtes bien solide » dit elle avant de me dire qu’elle revient enlever la sonde. De retour avec ses accessoires qu’elle dépose sur mon lit, elle referme le rideau, relève la couverture et aperçoit ce cadavre blême, vidé de son sang. Elle prend une pose, hésitant sur ce qu’elle devait faire à ce point. Elle fini par prendre son courage à deux mains [à moins que ce soit mon organe?] et retire soigneusement la sonde laissant mon pénis ensanglanté s’affaler sur ses deux bonnes vieilles copines. « Vous devriez essayer de marcher » furent ces seules paroles.

À 14h30, le sang ne se déverse plus dans la sonde et son sac, mais bien dans mon lit. Alors que la douleur dans mon dos et mon ventre devient insupportable. Il faut préciser ici, que la douleur est identique à celle que j’endure depuis tous ces jours, ce qui confirme, sans l’ombre d’un doute, que cette foutu pierre en est la cause. Cette fois, c’est ce « double J » qui cause la douleur, une douleur beaucoup plus intense. L’infirmière auxiliaire m’injecte maladroitement un peu de morphine dans le bras gauche. Sa manœuvre n’a pas bien été exécutée car je ressens une douleur atroce dans le muscle, comme si elle avait piqué au mauvais endroit. Mais le soulagement du liquide magique est tout de même le bienvenu.

Vers 15h30, la douleur est si intense que j’ai besoin d’une autre injection mais quand la même infirmière revient avec sa piqûre, je refuse car j’ai encore une douleur épouvantable dans le bras. Je demande des pilules mais elle refuse.

Une trentaine de minutes plus tard, la douleur est insoutenable et j’ai envi de pisser. Je me lève et me dirige vers la toilette avec mon chapeau blanc que je dépose soigneusement sur la cuvette. Debout devant, je relève ma jaquette de la main gauche alors que je tiens mon poteau à soluté de la droite. Quand je commence à uriner trois événements se produisent simultanément. D’abord, le sang qui s’écoulait toute la journée a séché et a formé un blocage à l’extrémité, comme lorsqu’on place le pouce sur le bout du robinet, faisant gicler le sang [il devait y avoir un peu d’urine mais c’était principalement du sang] partout, sur ma jaquette, mes pieds, les murs, sauf dans le chapeau. Ensuite, la sensation de brûlure était si intense que mon corps c’est contracté de façon involontaire coupant le flot. Enfin, cet arrêt soudain a fait remonter l’urine dans mon rein causant une sensation que tout allait éclater. La douleur était telle que je ne pas pu m’empêcher de hurler alors que mes jambes ont lâché. Mes genoux ont frappé la cuvette faisant tomber le chapeau et ma main gauche ses appuyer sur le mur pour ne pas que je me fende le crâne sur le réservoir. Mais ce n’était pas fini. Le besoin d’uriner était encore fortement présent. À trois ou quatre reprises, le même manège me tordait de douleur. Chaque fois que l’urine remonte dans le rein, c’est comme si on me remontait un couteau dans la chair la douleur est abominable. Ceux qui ont déjà eu des problèmes d’hémorroïde ou qui ont déjà passé une pierre savent ce que le mot douleur veut dire mais ça c’était encore pire. Quand je suis sorti des toilettes, j’ai passé à un cheveu de m’affaisser en pleine figure devant la foule masser devant la porte, alerté par mes cris. De retour à mon lit, la même infirmière est revenu avec son injection que j’ai pris sans hésité, j’aurais pu perdre mon bras que j’en avait rien à foutre. Couché sur mon lit, j’étais incapable de m’empêcher de pleurer comme un gamin qui vient de se faire arracher une main par une moissonneuse-batteuse.

L’infirmière a appelé le médecin qui a prescrit une radio pour voir si le « double J » ne c’était pas déplacé là où il ne devrait pas. La radio est négative, tout est normal. Le médecin m’offre de me garder sous observation pour la nuit. Sinon, je devrai me présenter à l’urgence si j’ai des complications à la maison. J’opte pour rentrer chez moi.

Arrivé à la maison à 19h15, je dois prendre un bain d’eau chaude pour me nettoyer et pour faire fondre les caillots de sang qui obstruent la sortie. Mon sous-vêtement n’ira pas au lavage mais bien à la poubelle car il est imbibé de sang. Avant d’en enfiler un nouveau, je prends soin d’y placer sur serviette ultra absorbante avec ailles. Peu de temps après la douleur s’intensifie, je dois aller uriner. Mais la peur de la douleur m’en empêche. La sensation de brûlure est telle qu’on croirait que mon pénis s’est effectivement fendu de bas en haut et qu’il a été recousu. La plaie ouverte est la source de la brûlure meurtrière. Mais je dois y aller car la douleur dans le rein est encore plus atroce si je me retiens. Même résultat. Je dois m’y prendre à cinq ou six reprises pour uriner complètement, chaque fois le surplus remonte dans le rein m’extirpant un cri inhumain. Je ne peux pas supporter cette douleur encore bien longtemps. Je prends trois dilaudid d’un coup [prescription un au quatre heures] et vais me coucher. Bien sûr, impossible de dormir. Je dois aller uriner à toutes les « une heure et demi » la douleur semble s’intensifier à chaque fois. SVP tuez moi quelqu’un !!

Aux petites heures de matin de ce jour 269, un phénomène attendu mais auquel je n’avais pas pensé se produisit. Une soudaine irrigation de sang fit gonfler la partie meurtrie de mon corps, la violente douleur est insoutenable, tout va éclater. L’urètre est sérieusement endommagé et voilà une autre douleur à ajouter à la liste. Ce vendredi 13 novembre 2009 sera le pire de toute ma vie, jamais je n’ai ressenti une douleur si intense aussi longtemps. Jamais je n’ai autant eu peur d’aller aux toilettes !!