jeudi 10 décembre 2009

Jour 1 - La conclusion

Mon blogue porte le nom « vivre avec la douleur » alors la conclusion doit arriver le jour où la douleur disparaît et, bien sur, porter sur ce que j’ai appris au sujet de la douleur et bien voici :

D’abord précisons que c’est le 3 décembre dernier que la douleur, sujet de ce blogue, a pris fin. Par contre, les séquelles laissées par l’opération du 27 novembre dernier, eux, sont source d’une nouvelle douleur. Mais on y reviendra plus loin.

Ma conclusion est donc ceci. Lorsque les infirmières de l’urgence ou du bloc opératoire, qui veulent nous injecter une bonne petite dose de morphine, nous demandent : « Vous évaluer votre douleur à combien sur une échelle de 1 à 10 » elle ne posent pas la bonne question. Ce n’est pas la bonne question parce que la douleur est relative à chacun en fonction de deux paramètres. Le premier est le niveau de tolérance à la douleur. Quelqu’un vous marche sur le pied vous vous tordez de douleur alors qu’un autre le ressent à peine. Je peux avoir une douleur de niveau 8 et être capable de l’endurer alors que le voisin à une douleur de niveau 4 mais a besoin d’une dose. Le second paramètre, et sans doute le plus important, est notre schème de référence personnel. Ce qui signifie le niveau de douleur que nous avons déjà vécu individuellement. Le bébé qui se coince un doit dans un jouet hurle de douleur car il vient de subir la pire douleur de sa vie. Son schème de référence était inexistant, il vient de ce constituer. Chez l’adulte, lorsqu’il se coince un doit quelque part, il pousse simplement un juron car son schème de douleur est plus complexe, il sait bien que ce n’est qu’un niveau 1.

Quand j’ai subit la première cystoscopie à froid à sacré cœur j’ai écrit que je venais de vivre la plus grande douleur de ma vie. J’aurais répondu à l’infirmière un 10. Pourtant, aujourd’hui, après avoir vécu la journée du 13 novembre 2009, si on me pose la même question, la réponse est au plus un 6. Pourquoi cette différence ? Parce que mon schème référence ne me permettait pas, à l’époque, de concevoir une douleur plus intense que celle de la cystoscopie. Aujourd’hui, je sais qu’il en existe de bien pire. Si je me présente à l’urgence avec la même douleur que j’avais lorsque j’y suis entré à l’automne, je dirais à l’infirmière que ma douleur est à 5 et qu’il faut me piquer au plus sacrant !!

Voilà ma conclusion sur l’évolution de la perception de la douleur par les individus en fonction de leur schème de référence. Cette simple conclusion explique pourquoi on dit de certain qu’ils se sont endurci. Ce n’est qu’une simple mise en perspective. Ce faire enfoncer une caméra HD dans le pénis, ça fait mal mais ce n’est rien à comparer d’un double J qui vous transperce le rein alors que vous tenter d’uriner mais que votre urètre est trop endommagé par le passage de multiple instrument, prétendument, chirurgicaux.

Revenons maintenant au jeudi 3 décembre 2009, le jour 289. Ce matin là, je me présente à l’hôpital St-Luc pour mon rendez-vous post opératoire de 8h00. Alors que les dernières semaines nous ont offerte des températures anormalement chaudes et ensoleillées pour ce temps de l’année aujourd’hui la pluie qui tambourine dans les vitres nous rappel la tristesse de ce jour. Arrivé au 12ième étage, la salle est quasi déserte, seules quatre personnes attendent. Je prend un numéro et aussitôt c’est ce dernier qu’on appel. Je me présente au comptoir, donne ma carte et pose mon postérieur sur une chaise inconfortable. Je sais ce qui m’attend, c’est ce qui explique la haute chaleur de mon corps, le tremblement de mes mains et cette anxiété qui accélère mon rythme cardiaque.

Une heure trente plus tard, une infirmière appelle mon nom. Je la suis d’un pas volontairement lent. Elle me demande d’enlever tout le bas, d’uriner dans un contenant et de revêtir une magnifique jaquette bleue. Le double J qui m’accable depuis l’opération de vendredi dernier m’oblige à uriner au 30 minutes : il ne reste donc pas beaucoup de jus pour leur ridicule contenant. Assis sur une chaise, entre une dame octogénaire et un homme septuagénaire, vêtu de ma jaquette, je ne peux m’empêcher de revivre mon opération du 27 novembre dernier…

« Vendredi 27 novembre, 7h35 : on a toujours pas appelé mon nom. Quand c’est finalement mon tour, je suis le dernier, je m’inquiète. Pour moi, c’est la routine : enlève tout, met la jaquette et couche toi sur cette civière, la numéro 13-6 et attend.

Les hauts parleurs hurlent « 13-2 SO » « 13-2 SO ». Puis « 13-9 SO » « 13-9 SO ». Chacun est appelé en salle d’opération à son tour alors que je me morfond tantôt coucher tantôt debout auprès de mon lit. À 14h00, je vais voir le poste de garde et leur demande si véritablement la salle d’opération fermait à 15h00. Si c’est le cas, je suis cuit ! La préposé m’assure que mon nom est toujours sur la liste que je n’ai pas été cancellé, pour l’instant.

« 13-12 SO » « 13-12 SO », je ne pensait pas qu’il restait quelqu’un d’autre que moi qui n’avait pas passé car parmi les 16 patients qui sont dans la salle, déjà plusieurs ont quitté pour la maison. Enfin, à 14h30 : « 13-6 SO » « 13-6 SO » c’est mon tour. Je m’installe sur mon lit en attendant le brancardier qui me mènera en salle d’op.

Après avoir attendu un bon 30 minutes dans la salle d’attente du bloc opératoire, on me dirige dans la salle. Le préposé monte mon lit à la hauteur de la table d’opération et me demande de me glisser sur celle-ci. Une infirmière détache ma jaquette en arrière et me demande de me coucher. Une autre infirmière m’installe un soluté dans le bras gauche [tient, habituellement c’est dans la main, me dis-je]. Ensuite, la première infirmière me demande de m’asseoir et de me pencher vers l’avant. L’anesthésiste, une dame plus âgée, tâte mon dos à la recherche de sa cible. Incapable de la trouver elle me dit « pousser sur mon doigt avec votre dos ». Je me demande si j’ai bien entendu ou si je suis déjà sous l’effet de la drogue. Elle me pique mais rate son coup, la douleur est foudroyante [au moins un 2]. Elle s’essaye de nouveau et cette fois ça fonctionne. Je me recouche. Deux autres infirmières, à mes pieds celles-la, relève ma jaquette et pose mes genoux sur des cousins pour les surélevés. Une commence à étendre l’iode sur mes cuisses et tout ce qui se trouve entre. Le médecin n’est toujours pas là. L’infirmière qui m’a installé le soluté, s’affère à installer le drap qui cache ma vue vers mon bas du corps que je ne sens plus du tout.

Vers la fin de l’opération, je me réveille et dit à l’infirmière à mes côtés « vous ne m’installé pas de double J, n’est-ce pas? ». Elle va transmettre mes doléances au médecin qui vient me voir pour m’expliquer pourquoi c’est essentiel. Je ne me souvient de rien mais je du lui dire que c’était bon, puisqu’il me l’a installé.

Quelques minutes plus tard on me dirige vers la salle de réveil où contrairement à ma personnalité normale, je me mets à discuter sans arrêt avec les deux préposées, considérablement corpulentes, qui veillent à ce que chacun se réveil adéquatement. Au bout d’une heure on me retourne dans ma chambre semi-privé [semi parce que nous sommes 16 dans cette chambre]. Il est 16h30, je ne sans pas le bas de mon corps sauf les orteils.

Vers 19 heures, il ne reste que quatre ou cinq autres patients. Le processus de « décongelage » a bien fonctionné et Julie, la jeune infirmière blonde de la dernière fois, s’appète à m’enlever ma sonde. Cette fois, le sang ne se met pas à s’écouler à flot. Seuls quelques gouttelettes cherchent à voir ce qui se passe autour de mon organe toujours insensible.

À 20 heures, ce département ferme. Il ne reste plus personne sauf un patient qui ne parvient pas à uriner, l’infirmière Julie et moi qui essaye de marcher pour avoir envi de pisser et pouvoir quitter.

À 20h30, Julie m’annonce qu’elle va vérifier la quantité d’urine dans ma vessie avec une sonde, un peu comme une échographie. Elle ferme le rideau mais il n’y pas personne. Elle relève ma jaquette exposant un être meurtrie semblable à un enfant du Biafra torturé par la maladie et la famine. Elle applique un gel sur mon ventre et grâce à sa sonde elle identifie tout au plus 250ml, rien d’inquiétant. Elle essuie mon ventre, replace ma jaquette et ouvre le rideau.

Tout près de 21h00, je fini par me rendre au toilette. Je tiens ma jaquette d’une main et je m’appui sur le mur de l’autre. Je sais exactement ce qui s’en vient. Le 12 novembre dernier alors que j’étais dans la même position mes genoux ont lâché sous l’impact de la douleur. J’anticipe le pire. Puis j’urine. La douleur est importante mais semble moindre que ce que j’anticipais. La part de sang dans le mélange et moindre aussi, ça ressemble un peu moins à du vin que la dernière fois. Cette fois, le double J semble ce déplacer en sens inverse. Il ne remonte pas dans le rein mais descend dans la vessie. La douleur est dans le bas du ventre du côté droit.

L’infirmière m’offre une injection de morphine pour calmer la douleur mais cela signifie d’attendre ici un autre 45 minutes car elle doit surveiller ma réaction avant de me laisser partir. Ça fait 14 heures que je suis là, j’en ai plein mon casque alors je refuse la dose et endure le mal. Je prendrai une Dilaudid en arrivant à la maison, me dis-je. L’infirmière me donne mon congé avec un rendez-vous pour jeudi le 3 décembre pour faire enlever le double J.

En arrivant près de la maison, vers les 22h30, je dois ouvrir la fenêtre de l’auto car j’ai l’impression d’être sur le point de dégobiller mon âme. Une fois à l’intérieur je me précipite dans la toilette à l’étage, je prend une Dilaudid et une autre pilule prescrite pour dilater les voix urinaires. Et je me mets à dégobiller comme un ivrogne sou mort mais puisque je suis à jeun depuis 24 heures, il n’y a que de la douleur qui sort de ma bouche. En 20 ans, ce n’est que la seconde fois que je dégobille, l’autre était le 14 septembre 2008 après mon marathon de Montréal que j’avais interrompu au 32 km à cause d’une gastro. »

L’infirmière appel mon nom et m’invite à passer dans la salle de traitement. Ce qui me ramène au 3 décembre et à l’extraction du double J. J’entre dans la salle, devant un moi une chaise particulière avec des étriers pour les pieds. La chaise est recouverte d’un drap bleu pâle et aux pieds il y a un récipient prêt à recevoir ce qui tombera lors de l’opération. Une infirmière aux longs cheveux bruns et aux yeux noisettes me demande de m’installer sur la chaise. Je lui réponds que je ne suis pas ici pour une cystoscopie mais pour l’extraction d’un double J. Elle semble perplexe et ajoute « avez-vous fait une radio ». « Non, j’ai été opéré vendredi dernier et j’ai rendez-vous pour faire enlever le double J ». Elle me demande t’attendre et va voir le médecin. Celui-ci se présente quelques minutes plus tard pour me demander les mêmes questions. Puis, en regardant mon dossier il ajoute « as c’est pour un UPJ, c’est bon, installez-vous ». Je n’ai rien compris autre qu’il allait procéder à l’extraction de ce foutu double J.

L’infirmière me demande de m’asseoir le plus proche du bord possible de la chaise en dégageant la jaquette. Puis de m’étendre et de placer mes jambes dans les étriers. Ainsi écarté devant les deux infirmières alors que l’une d’elle m’asperge d’un liquide [similaire à du Purel] « je vais vous désinfecter ce sera un peu froid », je leur annonce que la dernière fois que j’ai eu une cystoscopie, j’ai eu tellement mal que j’ai faillit m’évanouir. La brunette s’empare d’une seringue sans aiguille et me dit qu’il va aussitôt insérer la gelé anesthésiante afin de faciliter le passage des instrument. Elle attrape mon fidèle compagnon par le cou et commence à lui insérer cette gelé. Une sensation mixte de douleur et d’inconfort absolument indescriptible s’empare de moi alors que tout mon corps se crispe. L’autre infirmière couvre mes jambes d’un tissus antibactérien puis en dépose un autre sur moi avec un petit trou au centre par lequel elle fait sortie la tête de mon compagnon groggy par les effet de la gelé.

Je reste ainsi seul, la tête reluisante et exposée, une bonne dizaine de minute avant que le médecin entre en scène avec ses deux acolytes. Le médecin me dit « comme ça vous avez eu un choc la dernière fois, c’était où ». « À sacré cœur ». « Ah je comprend. Ici on a des meilleurs instruments car ils sont flexibles. Ça va bien aller, vous aller voir ». Il attrape dans c’est main un drôle d’instrument tout noir avec, à une extrémité, une manette semblable à une commande à distance pour la télévision et, à l’autre bout, un tube de caoutchouc dont le diamètre diminue plus on s’éloigne de la manette. Je tremble déjà de peur. Mon cœur se débat comme un poison hors de l’eau, ma respiration est saccadée et rapide. Le médecin demande à l’autre infirmière, plus grassette et visiblement en formation, de tenir la manette car cela lui permet d’avoir les deux mains libres. Il insère le bout en caoutchouc par le même orifice que l’infirmière avait inséré la gelé et débute la manœuvre. En voyant cette instrument s’insérer en moi, j’ai placé a main sur mes yeux et me suis crispé encore plus. Le médecin me dit de regarder l’écran de regarder ce qui se passe. J’ose regarder et je vois cet instrument muni d’une caméra et d’une lumière s’insérer à l’intérieur de mon copain. La douleur n’est pas trop intense. « On approche de la vessie, vous aller avoir une sensation inconfortable et comme une envi d’uriner » dit-il alors qu’une violent douleur s’empare du bas de mon corps, j’ai envi de crier. Puis il ajoute : « voilà on y est, c’est votre double J qu’on voit juste ici ». Heureusement qu’il le dit car moi je ne vois qu’un genre de parois dodu d’une couleur rosé. Le médecin demande alors à celle qui tien la manette d’ouvrir les pince. Et je vois, l’extrémité de l’instrument s’ouvrir. Il essaye d’attraper quelque chose mais semble avoir un peu de difficulté. Pendant ce temps, la douleur semble s’intensifier. Je me crispe et me remet à respirer rapidement de façon saccadé quand le médecin me dit : « Calmez vous, respiré lentement sinon vous aller vous évanouir. Qu’est qu’il y, pourquoi vous énervez-vous ? Le double J est ici ». Il le tenait dans sa main gauche alors que dans sa main droite pendait son instrument de torture, totalement extrait de mon corps. « C’est fini, détendez-vous ». En voyant cette tige qui m’a imposé tant de supplices pendre comme un serpent mort dans sa main, tout mon corps s’est détendu et ma respiration a reprise son rythme régulier. Inquiète, l’infirmière à la gelé me demande de me relever doucement et me tient par le bras pour ne pas que je m’effondre. Mais je suis bien solide sur mes pieds et anxieux de quitter ce lieu infernal.

Habillé et près à partir, le médecin me donne un rendez-vous de suivi en juin, pour l’instant c’est la fin de cette mésaventure de 289 jours où j’ai appris ce que le mot douleur signifie et où j’ai eu l’opportunité de développer à fond mon schème de référence au niveau du seuil de douleur supportable.

Aujourd’hui le 10 décembre, une semaine plus tard, soit en théorie le jour 7 de la fin de ma douleur, je souffre encore d’un malaise dans la colonne ; résultat de l’erreur de l’anesthésiste du 27 novembre. Alors encore aujourd’hui, je rêve du matin où je me réveillerai « pain free », libre de toute douleur…. Et je ne sais pas si ce jour viendra.