mercredi 23 septembre 2009

Matière Fécale

Au sommet du « Signal Hill » à St-John’s, Newfoundland, alors que je lisais l’écriteau explicatif au sujet de Guglielmo Marconi qui avait reçu la première transmission radio transatlantique le 12 décembre 1901, ici même dans la « Cabot Tower », érigé en l’honneur de John Cabot, malgré mon intérêt indéniable pour l’histoire, mon attention était plutôt portée sur la ville qui s’étendait à nos pieds. En tout juste un peu plus de 60 minutes, j’avais gravi la colline qui partait de la ville vers la tour. Une colline si abrupte que très peu s’aventure à l’escalader à pied. À preuve, tous ces touristes qui débarquaient des taxis et l’absence de trottoir ou même d’espace pour piéton le long de la route sinueuse qui mène au sommet. Avant mon séjour de 45 minutes dans le bloc opératoire de l’hôpital St-Luc et les centaines de litres d’eau ingurgités au cours des derniers jours, un tel exploit n’aurait pas été possible. Mon corps aurait été paralysé par une violente souffrance bien avant la mi-chemin de ce parcours.

Ragaillardi par cet exploit, je rentre à Montréal convaincu que je suis sur la bonne voie. Après ces longues semaines interminables de douleur accablante, le soleil serait-il en train de ce pointer, timidement, le bout du nez ? Il semble bien que oui car le samedi suivant, alors que je suis seul à la maison et que je ne ressens absolument aucune douleur, je décide d’entreprendre une tâche impensable même une semaine plus tôt. De tout ce qui aurait pu me venir en tête ainsi libérer de mon entrave, j’ai effectivement choisi cette tâche. J’entre donc dans la salle de lavage, pose ma chaudière rouge et ouvre le robinet d’eau chaude. J’y verse gauchement le détergent, j’attrape la vadrouille au passage et je m’attaque au lavage des planchers. Arc-bouté, les bras tendu, je frotte le sol avec une force surprenante. Mon subconscient surveille en permanence le moindre signe de douleur qui viendrait ruiner mes espoirs mais il ne perçoit rien. Le néant. Infusé d’un enthousiasme débordant, je sautille comme la grenouille que les anglais voudrait que je sois à l’idée de tout ce que nous allons accomplir aujourd’hui. C’est samedi, le ciel est bleu, la température dépasse les 20° et je ne me souviens pas de m’être senti si bien en aucun jour de l’an 2009. Pas une seule minute passée à essayer de chasser la calamité qui me tue à petit feu, à me reposer pour récupérer un peu de force, rien de tout ça, juste une série de déplacements au hockey de mon fils, pour des commissions suivi d’un souper au resto et d’un dessert en chemin.

À mon réveil le dimanche matin, un drôle de sentiment m’habite. Était-ce un rêve ? Somme-nous simplement samedi matin et tout n’était qu’un foutu rêve ! Non, la date sur le journal confirme qu’il s’agit bien du dimanche 20 septembre. Pourtant, j’ai cette incessante douleur qui traverse mon corps comme une lame enfoncée du bas de mon ventre dans un angle de 35 degré pour ressortir un peu plus haut dans mon dos. Cette même douleur, qui mine mon esprit, gruge ma lucidité et me rend sénile. Étais-ce une fausse alerte, un faux espoir pour m’enfoncer plus creux dans l’abîme ou au contraire, un signe que, malgré quelques soubresauts de douleur, la guérison prenait lentement le dessus ? Quoi qu’il en soit, ce matin là, je suis retourné me coucher après avoir évacué bruyamment et douloureusement toute espèce de trace d’un quelconque repas ingurgité au cours des trois derniers jours. À midi, c’est le party de fin de la saison de soccer de mon fils. Au parc, constamment sur le qui vive à la recherche de moindre indice d’une autre violente attaque de Big Mac qui m’obligerait à me précipiter en toute hâte vers le WC, je ne touche pas aux hot dog qui m’observent tendrement. Mais quand les hambergers font leur entrer en scène, je succombe comme un ivrogne devant une bière. Je le dévore sans réserve, sans égard à ma condition matinale ni à la lame qui me traverse le corps. Tout ce passe bien et nous faisons une halte chez Rona, quelques minutes après la remise des trophées au parc. Devant les faux finis de mur, une violente attaque s’est abattue sur moi comme un chien enragé sur un os encore charnue. Croyant être vaincue et devoir asperger le rayon dans son ensemble, je me suis dirigé vers le devant de la section et comme par miracle, un signe sur une porte à proximité indiquait « toilette ». Sauvé par cette apparition divine, j’ai put me rendre à la maison pour encore une fois m’allonger, épuisé et torturé.

Lundi, le 21, jours de vérité. D’abord visite à la clinique privée pour une autre radio. La douleur est à son comble. Aucun signe de rémission alors que je suis étendu dans ma belle jaquette bleue sur la table froide au côté d’une technicienne qui ajuste son appareil afin de bien m’injecter de rayon x. « Nous allons vous remettre un CD avec vos radios dans quelques minutes » m’annonce-t-elle d’un ton aussi invitant que le rot d’un dégoûtant personnage qui vient de s’empiffrer de nourriture insalubre. Mais au moins, elle disait vraie. Au bout de quelques minutes, de nouveau vêtu de mon pantalon, je quitte avec mon CD vers l’hôpital St-Luc pour ma rencontre avec mon nouveau Urologue [j’ai flusher l’autre à cause de son attitude nettement trop sympathique (sic)].

Mon rendez-vous est à 13h35 mais on me recommande de venir plus tôt pour faire ma carte. Donc, à 13h00, je suis au premier étage devant un comptoir qui indique « Carte d’hôpital ». Une charmante et jolie jeune dame qui faisait plus de deux fois mon poids m’intime de m’asseoir sur la chaise qu’elle pointe de son doigt charnue. J’obéi sans rouspéter ma carte d’assurance maladie et ma carte de l’hôpital périmée à la main. Elle me les arrache des mains avec la délicatesse d’un hippopotame qui gratte son derrière sur l’écorce d’un arbre. En deux temps et trois mouvements, elle me rejette ma carte d’assurance maladie et ma nouvelle carte d’hôpital et reprend son travail imaginaire sans me jeter le moindre coup d’œil. Je ne peux m’empêcher de lui dire « merci ».

J’attrape l’ascenseur au vol et j’atteins le 5ième étage d’une volée. Les portes s’ouvrent sur une mer de monde assis bien cordé les uns regardant vers l’est, les autres vers l’ouest. À ma droite, un comptoir d’accueil avec une agressant indication qui hurle de prendre un numéro avant d’approcher sous peine de châtiment terrible. J’obtempère docilement et quand mon numéro est appelé, je me présente au comptoir avec mes cartes mais le préposé, lui, quitte en m’indiquant, en levant son majeur, d’attendre ce qui semble être une minute. Il n’est que 13h12 alors j’ai tout mon temps. Lorsqu’il réapparaît, son humeur est toujours comparable à l’ours grognon. Il saisit ma carte d’hôpital, inscrit ma présence et m’invite à m’asseoir dans la salle déjà bondée.

À peine quelques minutes plus tard, Johnny fait son apparition. Il s’empare du numéro 67 alors qu’on affiche le 59. Un café et son numéro dans une main, son muffin dans l’autre, il vient prendre place non loin de moi en adressant la parole à tout ceux qu’il croise en chemin à leur grand déplaisir. Ses yeux se lèvent sur un homme âgé et visiblement très timide, il lui adresse la question suivante : « C’es-tu normal que Jacques Demers soit nommé sénateur alors qu’il ne sait même pas lire ou écrire ? ». Le pauvre homme ne fait qu’un signe d’épaule pour dire « je ne sais pas » ou « je me fiche comme de l’an 40 » [en passant cette expression proviendrait d’une déformation d’une expression de l’époque des croisades qui se disait : s’en foudre comme de l’Al Coran. On ne sait trop comment ni pourquoi mais l’Al Coran serait devenu l’an 40]. Et voilà, c’est tout ce qu’avait besoin notre bon ami Johnny pour se lancer dans un monologue de plus de 1h45. Après le départ du pauvre homme, c’est moi qui suis devenu son ami. Ma belle présence, mon regard intelligent et ma bouille attendrissante, il n’en fallait pas plus pour le séduire. En regardant ma montre à toute les fractions de seconde, j’ai eu droit à une explication détaillée de sa biopsie rectale, son opération pour enlever son cancer de la prostate, sa rémission pendant 7 ans et la réapparition récente d’une tumeur inquiétante. J’aimais je n’ai tant souhaité entendre crier mon nom. Mais ce n’était pas fini. Il manquait les détails sur les premiers symptômes. Non, ce n’était pas du sang dans les urines. Non, ce n’était pas du sang sans les selles. Oui, c’était su sang dans sa semence. Il était 3h30, c’en était trop, j’étais sur le point de m’éventrer quant j'ai finalement entendu mon nom avec soulagement et l'instruction de me rendre à la salle 8.

Dans le bureau du médecin, je lui tends mon CD alors qu’il m’annonce d’un ton interrogateur que l’on m’a fait éclater la pierre. Non convaincu, je lui réponds que j’espère bien. Sur l’image, je ne vois rien mais lui, il semble bien voir une pierre de 6mm exactement là où l’on était en droit de s’attendre à la voire. L’opération est un échec et il faut recommencer. Je suis stupéfié, abasourdie, médusé, sidéré. Il ajoute qu’en cas d’un second échec, il faudra l’extraire par voie naturelle, évidemment. Tous mes souvenirs de ma cystoscopie se bousculent imprécis dans ma tête comme dans un stroboscope. Il me rend mon CD et quitte la pièce en m’indiquant que l’hôpital va m’appeler pour une autre Lithotripsie par onde de choc. J’ai envi de pleurer comme une Madeleine [expression qui provient de Marie Madeleine, cette ancienne prostituée, qui se présenta à Jésus, se mit à ses pieds, les arrosant de ses larmes et de parfums, tout en les séchant avec ses cheveux alors qu'elle lui confessait ses pêchés].

Je marche sur la rue pour retrouver ma voiture. Mes yeux humectés sont embrouillés. Mon corps semble peser une tonne, j’ai mal partout. Mais avant tout, j’ai mal au cœur. Pourquoi ai-je vécu un tel samedi alors qu’en fait je n’étais jamais sorti des bas fonds de l’enfer ? Je suis prisonnier du film le jour de la marmotte. J’en suis à ma 12ième visite à l’hôpital depuis février et je suis toujours au même point qu’au tout début. Même pierre, même douleur, même incertitude, même délai avant la suite. La seule chose qui a changée c’est la volonté, la force, le désir de lutter. Je suis épuisé, à bout…

jeudi 3 septembre 2009

De l'endorphine à la morphine….

J'ai couru un 5k pour la première fois de ma vie en septembre 2005. L'année suivante, je m'étais donné comme défi de courir de chez moi jusque chez mes beaux parents; 10,5k. Une fois ce défis accompli, j'ai eu comme une piqûre : « un jour, je vais courir le marathon ». Aujourd'hui, après trois ans d'entraînement avec des périodes plus intense les quelques mois qui précèdent le marathon, la course fait partie de mon quotidien. C'est un besoin dont je peux difficilement me passer. En 2007, j'ai couru à peine deux semaines après ma blessure à la cheville [lors d'un match de hockey cosom]. Je sais très bien que c'est ce qui a retardé ma pleine guérison mais c'était impossible pour moi de ne pas courir. Ce n'est pas que j'en avais envi, j'en avais besoin. Même chose en 2008, j'ai couru tout l'été et le marathon de Toronto avec une blessure au pied droit. Je ne pouvais simplement pas arrêter six mois pour attendre une pleine guérison. C'est de la folie, dirons certains mais c'est plus fort que moi, comme si la course était une drogue avec des effets de dépendance. Tellement qu'avec 996km en 2008, je voulais fracasser la barre de 1000km en 2009.

Pourtant, je viens de terminer mon sixième moi sans courir. La douleur quotidienne m'empêche de faire le moindre effort, une douleur si vive qu'elle parvient à neutraliser ou à anéantir mon besoin de courir. Au début c'était difficile, comme si j'étais en période de sevrage. Les jours où j'allais un peu mieux, je courais un petit 5k, juste pour y goûter, pour savourer, même à petites doses, l'exquise saveur de pousser son corps plus loin. Petit à petit, les jours où je me sentais assez bien pour courir diminuaient pour finalement disparaître et laisser mon tapis roulant s'empoussiérer.

La course étant chose du passé, voici le temps des traitements. Depuis, l'introduction de matières indésirables, telle qu'une caméra, dans ma vessie par voie naturelle [ça c'est ce que dise les médecins mais je vous garantie qu'il n'y a rien de naturel dans cette intervention… voir mon article sur la Cystoscopie], je prends de la morphine. Pour être précis, je prends des comprimés de 1mg de Dilaudid soit de l'hydromorphone. Bien que je n'y connaisse rien en pharmacologie, je sais que 1mg de Dilaudid équivaut à 5mg de morphine. Il faut bien préciser, toutefois, que les effets de dépendance, ce manifestent rarement lorsque le médicament est administré par voie orale. Donc, inutile de s'en priver !

Devant les inquiétudes de mon entourage face à ma consommation « excessive » [au dire de ceux qui ne souffrent pas] de ce produit miraculeux, j'essai de réduire ou devrais-je dire de contrôler ma consommation. Ce que les gens ne comprennent pas c'est qu'à peine une dizaine de minutes après avoir ingurgité un de ses petits bonbons non seulement la douleur s'évapore mais le ciel devient plus bleu, l'air plus pure, le sourire de gens est plus radieux mais surtout je suis invincible. C'est vrai que je suis un peu étourdit, que j'ai des maux de tête et des nausées mais ce ne sont là que des inconvénients d'une banalité indigne de mention. L'important c'est la dissipation du brouillard qui masquait mon avenir. Grâce à ces effets anxiolytiques, tout est à ma porter je peux rêver à nouveau.

D'accord, il ne faut pas en abuser mais deux jours sans avaler ce minuscule comprimé et déjà je voie le brouillard s'épaissir, comme s'il était nourri par les relents de douleur qui m'accablent de nouveau. La route de l'avenir semble moins longue comme si un panneau en damier jaune et noir [de type « dead end »] venait de surgir de nul part pour aviser les automobilistes de la présence d'un précipice droit devant. Malheureusement, je n'ai pas de frein. Impuissant, j'observe le paysage défiler lentement de chaque côté. Résigné, j'accepte ma destiné. Quand soudain, j'entends un cri au loin. Un cri incompréhensible, comme un appel à l'aide. Je tends l'oreille pour mieux comprendre. C'est quelqu'un qui me supplie de l'aider. Quelqu'un qui veut mourir et me demande son assistance. Que faire, c'est immoral. Les cris se rapprochent et je distingue enfin leur teneur : c'est un comprimé de dilaudid qui me supplie de le manger.

Cet irrésistible besoin d'un comprimé me fait penser à mon ancien besoin de courir. Le même magnétisme qui t'attire, te murmure des mots apaisants et parvient enfin à te faire céder à la tentation. Est-ce à dire que la course est une drogue comparable en terme d'effet et de dépendance ? Il semble bien que oui.

La course, tout comme plusieurs autres activités sportives, favorise la libération de l'endorphine. L'endorphine est une morphine endogène [produite par l'organisme] qui est libérée par l'hypothalamus et l'hypophyse [parties du cerveau] dans les situations de stress, mais de façon plus significative pendant et après l'exercice physique. Une fois sécrétée, elle se disperse dans le système nerveux central, les tissus de l'organisme et le sang. Le taux d'endorphines produites ou libérées est directement lié à l'intensité et à la durée de l'exercice. Ainsi, il ne suffit pas de courir pour savourer ses biens fais, il faut maintenir l'effort pendant au moins une demi heure, gardant un rythme dit « confortable en endurance ». Il faut donc maintenir un rythme supérieur à 60% de ses capacités respiratoires mais être capable de tenir une conversation en courant.

L'endorphine à des effets similaire à la morphine. C'est cette drogue que les sportifs recherchent quant ils sont accro à un sport. Quand elle se disperse dans mon système nerveux, mes tissus et mon sang c'est un moment d'euphorie, de spiritualité, de puissance, de grâce, de déplacement sans effort, de vision momentanée de la perfection, de flottement dans l'irréel. À partir du 30ième kilomètre, soit [dans mon cas] après plus de 3 heures de course, lors du marathon de Toronto, je ne peux pas vous raconter ce qui me passait par la tête mais j'étais sérieusement inquiet au sujet de ma santé mental. Je n'avais plus le contrôle de mes pensés qui voguaient de : pourquoi suis-je sur cette terre à pourquoi suis-je toujours en train de courir après 3 heures ?

Le jeux des comparaison ne s'arrête pas là car, tout comme la morphine, les endorphines on des effets anxiolytiques, ce qui fait que les sportifs sont moins sujet au stress que les non sportifs. Sans trop entrer dans les notions techniques, il faut préciser que les endorphines ne sont pas les seules en cause, il y a d'autres neuromédiateurs, telle que la sérotonine, qui exerce également un rôle antidépresseur. De plus, les endorphines agissent de façon identique à la morphine en se fixant sur des récepteurs spécifiques qui bloquent la transmission des signaux douloureux et réduisent la sensation de douleur [effet antalgique]. Elles élèvent le seuil de la douleur et cet effet dure jusqu'à quatre heures après leur sécrétion. En inhibant les douleurs d'origine musculaire ou tendineuse pendant l'effort, elles me permettent de courir plus longtemps.

La question inévitable est donc : est-ce que les endorphines créent un effet de dépendance identique à celui de la morphine ? La réponse des spécialistes est unanime [enfin presque], à savoir : « Pas de tout car les endorphines sont rapidement détruites par les enzymes de l'organisme. Il s'agit d'une dépendance psychologique. Les sportifs sont très attachés aux sentiments de bien-être et de plaisir procurés par leur activité. Ils entretiennent avec elle une relation affective très forte qu'ils peuvent difficilement interrompre ».

En quête d'un peu d'endorphines, voilà que je chausse mes souliers de course pour la première fois depuis des mois. Mes mains tremblent alors que j'essaye de nouer mes lacets, mon cœur palpite dans l'anticipation de voir s'activer le mécanisme de mon tapis roulant. Je me sens comme mes fils qui se préparent pour le premier jour de la renter scolaire; anxieux mais enthousiaste. Je m'approche de mon tapis pour mettre l'interrupteur en marche, rien. Le tapis ne fonctionne pas. Aussitôt, je peste intérieurement contre mes fils qui ont sans doute endommagé le mécanisme au cours d'un de leurs jeux débiles ou lors d'un match de hockey full contact.

Je me précipite au salon pour attraper une lampe et je reviens dans ma salle d'entraînement pour vérifier qu'il y a bien du courant dans la prise. Qui sait, peut-être est-ce simplement un problème de « breaker » ? La lampe brancher, elle s'allume comme un charme. Je relève le tapis et enclenche l'attache qui le retient, je me glisse en dessous pour inspecter, à la recherche d'une évidence de dommage, rien. Je remets en marche l'interrupteur alors que le tapis est toujours relevé [en espérant que ça ne fonctionnera pas car autrement, qui sais ce qui ce produira] mais j'entend un petit déclic qui confirme que le courant passe. Je retire l'attache et dépose le tapis au sol. Dès que je monte dessus, l'évidence me frappe au visage comme un ballon de basket égaré par une bande de jeune. Je réalise alors que ça fait bien trop longtemps que je n'ai pas mis les pieds sur cette machine. Les tapis possèdent un petit gadget qui sert de protection et en cas de problème, il suffit de tirer dessus pour couper le courant. Je replace donc ce petit gadget et tout s'allume. Je suis enfin près à entreprendre ma course.

Suite à une si longue période d'abstinence, je débute avec un réglage bien simple, vitesse à six mile à l'heure [6,22 mile à l'heure équivaut à 10 km à l'heure] et c'est parti. Les 30 premières secondes consistent à signaler à mon cœur que je suis en entraînement et qu'il doit s'activer. Au bout de 2 minutes, il y a quelque chose qui cloche. Ma respiration est trop lourde et mon cœur se débat anormalement. À la troisième minute, toujours avec le même sentiment de détresse, je réduit la cadence à cinq mile à l'heure [ce qui est bien trop lent pour un véritable coureur]. Mon système ce replace et me voilà véritablement en marche. J'augment graduellement la vitesse pour enfin revenir à six mile à l'heure.

À la onzième minute, je suis à bout de souffle. À cette vitesse, je devrais normalement pouvoir facilement entretenir une conversation sur une période de 2 heures mais après onze minutes, je suis à bout. Mon dos me fait terriblement mal et je dois admettre, à contre cœur, que je vais devoir abandonner mon projet de faire un petit 5km pour me remettre dans le bain. Je décide de compléter mon deuxième kilomètre et j'arrête mon tapis. Les mains sur les bidules qui captent mon rythme cardiaque, la tête légèrement penchée en avant, je récupère mon souffle en observant mon menton qui dégoûte sur le tapis. Je suis découragé et certes pas convaincu qu'il n'y a pas des larmes parmi les gouttelettes qui perlent sur mon visage. J'ai peine à soulever ce corps qui ne m'obéit plus pour quitter l'enceinte où jadis, je vivais. La douleur est toujours là, fidèle compagnon qui ne m'abandonne jamais. Quittant la pièce en titubant, je lance un dernier regard à mon tapis éteint. Adieux les endorphines, vivement la morphine.